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ficatives ; elles ne ressemblent pas à un ouragan. Le scrutin de liste offre précisément ce danger de procéder sans choix, par bourrasque, et qu’on remarque à quels résultats il arrive forcément : ou bien il laisse des fractions considérables de l’opinion sans représentation, ou bien il réunit les noms les plus disparates. On a voulu avoir des élections politiques, on a les élections de la confusion et de l’incohérence ! Aujourd’hui le scrutin de liste semble rallier à la dernière extrémité certains esprits qui veulent ou qui croient y voir une arme plus efficace contre le bonapartisme ; mais au contraire c’est justement aux bonapartistes, que le scrutin de liste peut offrir un moyen de compter leurs forces, d’arriver à une sorte de manifestation plébiscitaire, et le danger serait bien plus grave encore, si au moment des élections les libéraux du centre droit et du centre gauche se trouvaient divisés, comme ils semblent l’être aujourd’hui, si l’impérialisme pouvait se flatter d’attirer à lui un certain nombre de conservateurs. Et puis, en fin de compte, on veut entrer dans un régime régulier, et on irait aux élections avec un système de scrutin dont le résultat peut être de produire des perturbations nouvelles, de mettre en doute la constitution elle-même. Voilà toute la question.

C’est dans de tels momens que l’intervention résolue du gouvernement peut être efficace ; mais, direz-vous, toutes les fois que le gouvernement prend une initiative, il échoue. M. de Broglie a échoué l’an dernier, le cabinet qui a précédé le ministère actuel a échoué à son tour. Tout récemment, M. Dufaure a voulu demander le renvoi de ses projets à l’ancienne commission des trente, et il a encore échoué. C’est que malheureusement ces interventions sont souvent tardives, ou décousues, ou hésitantes, lorsqu’elles devraient avoir le caractère supérieur d’un système coordonné, pratiqué avec ensemble et résolution. Si le gouvernement s’inspirait de cette pensée, il agirait partout à la fois, sur l’assemblée, sur l’opinion, sur ses agens. Il mettrait de l’ordre dans son action, et il ne laisserait pas notamment se perpétuer cette immixtion d’officiers dans des cérémonies religieuses, où ils vont figurer comme des prédicateurs ! Le gouvernement peut dire qu’il respecte la liberté de conscience ; il ne la respecterait probablement pas, s’il la voyait se produire sous d’autres formes. Ne s’expose-t-il pas à voir son autorité affaiblie en permettant aux uns ce qu’il interdirait aux autres, en autorisant des officiers de l’armée à mener de front les devoirs de la vie militaire et le rôle de l’apostolat public dans des réunions et jusque dans des églises ? C’est en vérité une question des plus sérieuses pour l’armée elle-même, que tous les efforts, tous les soins, devraient tendre à éloigner des mêlées politiques et religieuses.

Les bonnes politiques font les peuples tranquilles. Qui aurait dit, il y a une quinzaine d’années, qu’un jour prochain viendrait où, tandis que le pape continuerait à résider au Vatican, le roi Victor-Emmanuel serait