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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/722

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au Quirinal, le parlement italien siégerait à Monte-Citorio, et Garibaldi se promènerait dans la ville éternelle, s’occupant de la canalisation du Tibre ? C’est par une modération habile, par la mesure jusque dans l’accomplissement de la révolution la plus extraordinaire, que l’Italie en est arrivée là, et le pays qui semblerait le plus exposé aux agitations religieuses, précisément à cause de cette révolution, qui n’a pu s’accomplir que par une transformation de la papauté temporelle, ce pays est le plus paisible du continent. Nulle part il n’y a plus de liberté qu’au-delà des Alpes, et nulle part il n’y a moins d’animosités religieuses, moins de conflits violens. Entre Italiens, tout s’arrange de façon à ne pas pousser les querelles jusqu’au bout ; il n’y a que des étrangers pour aller porter au Vatican des paroles de guerre, qui font l’effet d’une dissonance. Est-ce le moment de changer de système ? M. de Bismarck ne s’est point aperçu qu’il demandait tout simplement à l’Italie de sacrifier sa paix intérieure, toute une tradition, pour lui complaire, pour le suivre dans la campagne qu’il a entreprise à sa manière en Allemagne ; il n’a pas réussi. Des interpellations parlementaires se sont produites récemment à Rome au sujet de la politique du gouvernement dans les affaires religieuses ; elles se rattachaient visiblement aux dernières tentatives plus ou moins avouées de M. de Bismarck, et des députés de la gauche ont saisi l’occasion de témoigner une fois de plus leurs inclinations pour l’Allemagne, leurs préférences pour les procédés du chancelier de Berlin. En définitive, la loi des garanties n’a point été sérieusement mise en cause, et la politique du gouvernement est sortie intacte de la discussion, elle a reçu de la majorité parlementaire une sanction nouvelle. Dans toutes ces questions des affaires religieuses, des relations extérieures de l’Italie, le ministère a facilement raison de toutes les oppositions. M. Minghetti, M. Visconti-Venosta, ont pour eux le parlement, l’opinion, le libéralisme modéré ; ils ont surtout en leur faveur le succès évident, palpable, d’une politique qui assure à leur pays une position aisée et privilégiée en Europe, qui a certainement permis à l’Italie d’intervenir efficacement avec les autres puissances pour le maintien de la paix.

L’Italie a besoin de la paix comme tout le monde ; elle en a besoin pour ses finances, pour son industrie, pour l’affermissement d’un ordre régulier en Sicile, pour le développement de tous ses intérêts, et assurément il n’a été question que de paix dans l’entrevue tant commentée de Venise, comme dans la visite que le roi Victor-Emmanuel a reçue peu après du prince impérial d’Allemagne à Naples. L’Italie a trop souffert des aventures pour se lancer de gaîté de cœur dans des aventures nouvelles, ou même pour ne pas voir avec une certaine crainte se rouvrir auprès d’elle des crises qui pourraient un jour ou l’autre l’entraîner dans l’inconnu. Que le prince impérial d’Allemagne aille à Naples, ou à Florence ou à Venise, elle le reçoit courtoisement, elle ne se livre pas.