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aboutir ou se refléter les projets, les préparatifs et jusqu’aux velléités des deux principales puissances germaniques, dont la Russie d’un côté ainsi que de l’autre la France et l’Angleterre tenaient également à s’assurer le concours. Le prince Gortchakof n’eut pas trop à se plaindre de la tournure que les affaires prenaient en Allemagne. Frédéric-Guillaume IV était d’une fidélité à toute épreuve ; le tsar pouvait compter en toute occurrence sur « son beau-frère le poète, » et Alexandre Mikhaïlovitch trouvait également un appui constant dans son collègue de Prusse, le jeune officier de la landwehr. Le cabinet de Berlin consentait bien de temps en temps à s’unir aux représentations que les alliés faisaient parvenir à Saint-Pétersbourg, à signer de concert avec eux telle note identique, ou analogue, ou concordante ; mais on ne tarda pas à s’apercevoir qu’il ne le faisait que pour ralentir leur marche et les détourner de toute résolution énergique : aux momens décisifs, il s’arrêtait court, demeurait à l’écart et prétendait garder « la main libre » (freie hand). Bien plus sympathiques encore et très franchement gagnés à la politique russe se montraient les autres membres du Bund ; ils ne trouvaient les exigences du tsar envers la Turquie nullement exorbitantes et se souciaient fort peu de la conservation du « malade. » Ils prétendaient également garder « la main libre, » serraient les rangs dans les fameuses conférences de Bamberg et étaient parfois tout prêts à mettre flamberge au vent. En vérité, Alexandre Mikhaïlovitch a montré dans la suite, dans la fatale année 1866, bien peu de mémoire de cœur, bien peu de justice distributive pour ces pauvres états secondaires, si dévoués, si serviables, si inébranlablement attachés lors de la crise orientale.

Pendant qu’à Londres et à Paris on commentait avec véhémence les célèbres dépêches de sir Hamilton Seymour, et qu’on y dénonçait les projets ambitieux de la Russie, on n’avait par contre à Hanovre, à Dresde, à Munich, à Stuttgart, à Cassel, que des blâmes pour les procédés des alliés et pour leurs « usurpations ; » à Berlin, on gémissait de plus de voir des monarchies chrétiennes prendre si chaleureusement la défense du croissant. Une seule puissance germanique toutefois, la plus grande il est vrai alors, gardait une attitude différente ; une seule donnait raison aux alliés, semblait même par momens incliner à faire cause commune avec eux, et cette puissance, c’était l’Autriche, — l’Autriche naguère encore secourue par les armées russes, arrêtée par la main forte et généreuse du tsar au bord même de l’abîme, « sauvée » par lui d’un écroulement soudain ! L’étonnement, la stupeur, l’exaspération de l’empereur Nicolas ne connurent pas de bornes ; la nation russe entière partagea ces sentimens avec lui, Alexandre-Mikhaïlovitch comme tout patriote moscovite. « L’immense ingratitude de l’Autriche » devint