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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/844

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REVUE DES DEUX MONDES.

ment au courant des intentions de la digne testatrice, et fait les meilleurs vœux pour que M. de Zonshoven jouisse de la belle fortune qui lui est échue. »

Willem Verheyst ne lut pas sans une certaine inquiétude ces lignes mystérieuses. La demande de son ami Léopold le surprenait lui-même dans un moment où les préparatifs d’un départ pour Java l’absorbaient entièrement. Il ne voulut pourtant pas priver l’héritier dans l’embarras des lumières de son expérience, et il s’empressa de se rendre à La Haye.

Le logis du jeune gentilhomme pauvre se composait uniquement d’une chambre assez vaste donnant sur la rue et terminée par une alcôve. Elle ne manquait pas d’une certaine élégance ; un assez joli bureau, un fauteuil-voltaire, une petite bibliothèque sculptée en bois antique et plusieurs petits objets d’art compensaient ce qu’il y avait de très bourgeois dans l’ameublement de la chambre louée en garni. Ce qu’il y avait de plus remarquable, c’étaient les portraits de famille qui s’alignaient le long des murs, les uns richement encadrés, les autres, et c’étaient les moins anciens, entourés de simples baguettes dorées. Des miniatures en ivoire et des photographies remplissaient les intervalles. Le jeune homme avait évidemment pris soin de réunir autant que possible les portraits de tous les membres de sa nombreuse et noble famille.

Il était occupé à écrire quand son ami Verheyst frappa à sa porte. — Je vous attendais, lui dit-il ; je savais bien que vous viendriez à mon cri d’alarme. Maintenant je suis de sens rassis, et savez-vous ce qui m’a calmé ? — Il lui montra tout un cahier affreusement maculé d’encre. — Le mouvement qui faillit renverser ma lampe n’avait pas épargné mon encrier. Je ne m’en aperçus que le lendemain matin. Il y avait là trois articles, mis au net, que je devais livrer aujourd’hui. Perdus, mon cher, perdus sans remède ! Il m’a fallu tout recopier pour être fidèle à ma parole. Une belle besogne pour un millionnaire, n’est-ce pas ? J’ai presque fini, mais ce travail forcé m’a procuré une diversion salutaire ; ce soir je suis tout à vous et nous pourrons causer librement.

Léopold vivait en effet de sa collaboration à plusieurs publications périodiques et de traductions qu’il livrait aux éditeurs dont il recevait les commandes. Bien qu’il n’eût pu compléter ses études universitaires, il avait du talent, du style, et sa plume était appréciée.

— Voici, continua-t-il, les pièces du procès, le duplicata du testament, l’inventaire des biens meubles et immeubles, les effets en portefeuille, il y en a pour plus d’un million, et, autant que je puis m’y connaître, toutes ces pièces sont régulières. Parcourez tout cela pendant que j’achève ma copie.