me parait factice et son tapage artificiel, autant l’ardeur convaincue de M. Sylvestre, si fort inexpérimentée qu’elle soit, m’inspire de confiance et de sympathie.
Sous ce titre : la Veille d’une exécution capitale à Rome, M. Sautai nous représente un groupe de gens tournant le dos et fort occupés à lire une affiche. Le tableau se tient bien, l’harmonie est simple et distinguée, le dessin est correct et soigné ; mais enfin voilà beaucoup de murs et bien des habits ! Quelques mains et quelques têtes eussent donné au tableau une animation qui ne l’eût point déparé, et M. Sautai nous eût montré qu’il n’est pas homme à reculer devant la difficulté.
M. Gervex aime Corot tout autant que Prud’hon et n’en fait pas mystère. Son tableau de Diane et Endymion est cotonneux, embrouillé, décousu, et pourtant a une saveur charmante. La Diane, sous les indécisions par trop rêveuses de son dessin, a de l’élégance, et dans le torse d’Endymion il y a des parties finement modelées.
M. Cormon fait preuve de talent et de grande expérience dans son vaste tableau de la Mort de Ravana. C’est là du Delacroix adouci, égalisé, soignant sa fougue et ménageant ses moyens. Il y a dans le tableau de M. Cormon des morceaux d’une coloration délicieuse et du modelé le plus délicat. Delacroix était le torrent aux eaux furieuses, M. Cormon fait songer à un beau bassin entouré de marbre poli où ces mêmes eaux calmées s’étalent et se reposent.
Les innombrables épisodes de combat qui chaque année depuis nos défaites encombrent le Salon me causent une répulsion dont je ne suis pas maître. Je trouve on ne peut plus triste cette façon d’attirer les regards du public par l’exhibition laborieusement étudiée des misères et des souffrances du champ de bataille. Assez de Français blessés, surpris et fuyant, assez de cadavres au premier plan, de plaies béantes et de vêtemens déchirés ! A montrer aussi complaisamment ses blessures, on s’attire moins de sympathie que de commisération. Et avons-nous donc un si grand besoin de pitié pour qu’à chaque coin de l’exposition et dans toutes les devantures de nos marchands de tableaux nos braves petits troupiers viennent avec une balle dans le dos tendre leur main mutilée pour demander l’aumône d’une larme ? Est-ce un sentiment humanitaire et l’horreur de la guerre que l’on entend inspirer par là ? Il ne nous convient pas plus d’être triomphans et fanfarons que d’être larmoyans et philanthropes. Il ne nous sied pas plus de faire parade de nos plaies que de les nier ou d’accuser le sort. Quand on souffre, il est décent de fermer sa porte et de crier le moins fort possible. Cette rage d’exactitude matérielle, cet amour du trompe-l’œil qui poussent les peintres à concentrer toute leur attention sur un détailla étudier à la loupe les champs de bataille, en arrivent à