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M. Perraud par exemple ? En aucune façon. Le groupe de M. Perraud n’aura pas de succès parmi nous, mais tenez pour certain que son auteur eût été lapidé à Athènes. Les anciens n’étaient pas plus que nous gens à prendre pour du caractère et de la grandeur l’apparente austérité de cette masse, à confondre les tumeurs et les bosses de cet Hercule avec les saillies d’une musculature puissante. Entre le style et la calligraphie, il y a un abîme, quoiqu’on puisse aisément tomber de l’un dans l’autre.

Le groupe de M. Mercié, — Gloria victis, — fit sensation, et avec raison, lorsqu’il nous arriva de Rome. Coulé en bronze aujourd’hui, il occupe une place d’honneur au Salon de cette année. Il est fâcheux, disons-le tout de suite, qu’on lui ait donné un piédestal aussi élevé, ce qui oblige le spectateur à s’éloigner beaucoup pour en saisir et en juger l’ensemble. Le groupe de M. Mercié ne gagne pas à être vu d’aussi loin. Ses qualités sont non point le caractère mâle et sévère, l’aspect monumental, mais bien l’émotion sincère, je ne sais quoi de doux, de frissonnant, puis le bonheur et l’harmonie des lignes, ainsi qu’une remarquable élégance, un grand goût dans l’œuvre entière, des recherches de modelé dans les têtes ; qui rappellent Prud’hon, et dans les draperies un souffle de notre belle renaissance, dont la grâce et la coquetterie ne sont pas exclues. Loin de moi l’intention de rapetisser ce groupe excellent, qui est une œuvre élevée par le sentiment et la distinction du rendu ; encore est-il juste de constater qu’une partie des saveurs délicates de cet ouvrage s’évaporent à distance.

Le Christ de M. Thomas est un beau morceau de sculpture savante et colorée, qui fait honneur à son auteur. Le torse et les jambes sont d’un modelé et d’un dessin fort beaux. Si peu partisan que nous soyons de la sculpture spiritualiste et spirituelle, il n’en est pas moins vrai que le caractère du sujet doit se refléter dans l’œuvre, et l’idée que nous nous faisons de Jésus-Christ s’allie mal avec l’expression de force herculéenne que M. Thomas a donnée à son personnage. Il est évident que le sculpteur se sera laissé entraîner par les beautés de son modèle ; c’est donc ce dernier que je rendrai responsable des réalités un peu vulgaires qui déparent la tête. Entre le réalisme de M. Bonnat, qui peignit un Christ à effet dont on se souvient, et les crucifiés langoureux que le commerce livre par douzaines à la piété des fidèles, il y a place à l’idéalisation. M. Thomas n’en a pas moins fait preuve d’un fort grand talent, et l’on chercherait vainement en peinture une œuvre de cette valeur.

M. Guillaume, qui est un délicat, expose le marbre de son beau buste de Mgr Darboy. Il serait à souhaiter que les peintres de portraits vinssent admirer la distinction avec laquelle M. Guillaume a