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rendu le caractère moral de son modèle et le tact dont il a usé pour ne point mettre en évidence ses talens d’exécutant. Le Terme du même artiste est du goût le plus pur ; l’ajustement de la draperie, la main et le bras sont d’un maître, et d’un maître moderne. Nous retrouvons cette année le joli petit groupe de M. Delaplanche, l’Éducation maternelle, mais grandi du double au moins et exécuté en marbre. Pour être franc, il n’y a pas gagné. La composition en est toujours heureuse et habilement équilibrée, le caractère élevé, l’exécution fort honorable. C’est là l’œuvre d’un sculpteur qui a de l’acquis et se possède. Les qualités sont partout, répandues, ce me semble, d’une façon légèrement égale et monotone ; on demanderait une étude plus serrée dans les nus, plus d’ampleur dans le dessin des têtes, de la franchise et du mordant dans les draperies, qui sont rondes et molles. M. Delaplanche n’a pas donné là tout ce qu’il pouvait donner. Si j’insiste, c’est que ce groupe est d’un aspect fort bon, qu’il vous attire, et qu’on aimerait à le trouver parfait.

L’Enfant assis de M. Degeorge, — Aristote Jeune, assure le livret, — est d’une exécution très remarquable que l’on voudrait voir soutenue par plus de caractère. Quelque confusion, quelque excès de recherche dans l’arrangement des accessoires. Le mérite de cette figure est trop uniquement dans le soin minutieux de la composition et dans l’étude très sérieuse du morceau. Le ventre n’est-il pas un peu flasque ?

Elle est bien séduisante, cette petite Jeanne d’Arc de M. Lefeuvre, mais ses mérites sont trop littéraires. J’ouvre le livret, et je lis : « Un jour d’été, à midi, Jeanne étant dans le jardin de son père, tout près de l’église, vit une lumière éblouissante… » Mise en scène pleine de poésie, que M. Lefeuvre a dû forcément omettre, et sans laquelle sa Jeanne n’est plus qu’une petite paysanne au cou tordu, aux yeux démesurément ouverts, dont la stupeur ressemble à de la gaucherie. C’est un danger que d’être trop spirituel en sculpture. Signalons un buste en plâtre auquel je trouve un charme extrême : c’est celui d’une jeune fille élégante au cou flexible, au profil pur. Elle avance un peu la tête, comme quelqu’un qui écoute et va répondre. Il y a là une saveur de jeunesse, de candeur, de grâce et de bonté… Ah ! le joli buste. Les spécialistes me diront-ils qu’il y a là quelque faiblesse de modelé, quelque maigreur ? Je n’y prends pas garde, tant j’ai de plaisir à goûter cette petite œuvre toute pleine d’émotion. Son auteur, M. Alfred Lenoir, complète son envoi par un Saint Sébastien auquel un ange apporte la palme du martyre. Je retrouve dans ce groupe, — qui semble inspiré par quelque composition des primitifs, — des qualités analogues à celles