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du buste. Cependant il faut dire que cette recherche un peu inquiète des sentimentalités compliquées est moins à sa place dans une grande figure et lui donne je ne sais quel caractère maladif. L’excès de finesse tourne à la pauvreté. M. Lenoir a voulu trop dire dans son Saint Sébastien. N’est-ce pas là l’écueil de ce talent sympathique et distingué ? La figure n’en est pas moins sérieusement étudiée : les pieds, les jambes et les bras sont vrais et d’un dessin soutenu. J’aime moins le torse, qui paraît légèrement empâté. La tête est pleine de sentiment. M. Paul Dubois expose deux petits bustes en bronze d’un aspect délicieux. On n’a pas un goût plus fin, une science plus aimable, une exécution plus habile et plus émue.

Le groupe de M. Moulin, intitulé avec un peu trop d’esprit un Secret d’en haut, contient une excellente étude de jeune homme. Les mains, qui participent de la malicieuse légende, sont cherchées et prétentieuses ; mais que d’élégance dans les jambes, quel modelé savant et consciencieux dans ce dos charmant ! Quelle remarquable étude en somme, et comme elle se suffit à elle-même !

On a regret en vérité de passer aussi rapidement devant des figures qui voudraient être examinées avec recueillement et lenteur. Le Persée en marbre de M. Tournois n’est pas pour faire pleurer de tendresse. C’est là une statue d’un rare mérite, mais où le charme fait un peu défaut. Le torse est parfait ; les jambes, d’un mouvement pénible, font songer à une chute possible ; la tête est froide et toute conventionnelle.

Il y a un sentiment très fin et très recherché dans le Jeune Martyr qu’expose M. Allouard. Sous l’exécution un peu indécise et timide, on lit clairement une grande sincérité et un souci respectueux de la nature. A l’exception de la main, dont la pantomime n’est pas suffisamment claire suivant nous, la pose est heureuse, simple, recueillie. Ajoutons que certains morceaux sont délicatement étudiés.

Le Rétiaire de M. Noël, quoique d’une nature courte et un peu empâtée, est une étude fort bonne. Je la préfère de beaucoup au groupe de Roméo et Juliette, qui est d’une invention malheureuse. Ces deux corps couchés l’un sur l’autre forment une masse écrasée aussi peu sculpturale que possible ; d’un certain côté même, la silhouette en est déplaisante et comique. L’auteur a sans doute pensé que la tendresse passionnée du sujet suppléerait à tout ; malheureusement les passions, qui sont l’âme de l’art dramatique, ne peuvent être en sculpture que des accessoires le plus souvent dangereux, et doivent être soumises absolument aux exigences de la composition et de la forme.