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Si nous commençons par le littoral de l’Angleterre, le premier fossile important à citer ici sera le sapin, si abondant sur divers points de l’Europe, et qui cependant ne croît plus spontanément sur le même littoral, bien que de la Tamise à la Clyde il se développe, quand on le plante, dans les meilleures conditions. Il existait indubitablement sur le sol aujourd’hui anglais, il y a un grand nombre de siècles, sous l’influence d’un climat différent. Ce n’est donc pas à un centre de création actuel quelconque, situé sur une montagne quelconque, que l’on peut rapporter l’origine de cet arbre ; mais changeons de région, et interrogeons le sol de la Provence, par exemple la vallée de l’Huveaune, aux environs de Marseille. Nous y recueillerons à l’état fossile le laurier des Canaries, qu’a chassé de ces parages une aggravation moderne des conditions hivernales, puis des pins tels que le pin des Pyrénées et d’autres essences, le tilleul, l’érable à feuilles de viorne, le framboisier, que l’augmentation de la chaleur estivale a depuis forcés de se réfugier sur les montagnes. Que deviennent, en présence de ces faits, le centre de végétation des Canaries et celui des Pyrénées ?

En Amérique, la flore du terrain pliocène offre les mêmes faits sur une échelle plus grande. Dans les couches anciennes de l’île Vancouver ont été constatés des végétaux ligneux, palmiers, laurinées, figuiers, qui n’habitent plus maintenant les côtes occidentales de l’Amérique du Nord à une latitude aussi élevée ; cependant une de ces laurinées ne saurait se distinguer du persea actuel de la Caroline, et des types analogues ou identiques à ceux de Vancouver se retrouvent dans les couches pliocènes du centre de l’Europe, à OEningen, en Souabe, localité célèbre pour la bonne conservation de ses fossiles. Un cyprès pétrifié de Vancouver existe aussi dans les couches de notre continent, où il a été recueilli depuis le milieu de l’Italie jusque dans le nord de l’Europe. Qu’on vienne donc nous parler d’un centre de création spécial à l’Amérique du Nord !

Si l’on descend encore d’une assise dans les profondeurs du globe, on pénètre dans la flore miocène, laquelle, d’après les beaux travaux de M. Oswald Heer, de Zurich, et les découvertes de M. le professeur Nordenskiöld, offrait déjà sous les latitudes alors tempérées du Spitzberg quarante-six espèces qui vivaient aussi presqu’à la même époque dans la région devenue aujourd’hui la Provence, et parmi lesquelles on peut citer des cyprès, des peupliers, des chênes, des tilleuls, des sorbiers, des noyers, des houx, des lierres, plus ou moins analogues aux espèces de ces genres qui habitent maintenant l’Europe tempérée.

En descendant toujours, on rencontre l’étage éocène,