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alors sur le trône, quelques plaisanteries plus ou moins malignes sur la manière dont se pratiquent les élections et sur cette manie des emplois qui est une des plaies de l’Espagne, quelques mots aussi sur les mauvais gouvernemens et les peuples ingouvernables, sur les hypocrites de Dieu et de la liberté, sur ces gens enfin qui ont passé leur vie à conspirer pour saisir la queue de la poêle ; mais tout cela d’une façon discrète, rapide, et comme en passant. Il ne se présente pas en réformateur et en opposant ; il laisse à d’autres les attaques mordantes et les critiques passionnées ; il est mal fait pour la satire. En revanche il s’est toujours montré partisan enthousiaste des fueros. Une fois même, en 1865, il a eu l’occasion de proclamer officiellement les convictions de sa vie entière ; la reine Isabelle était venue visiter les provinces-sœurs ; à Trueba, comme chroniqueur, incombait le soin d’écrire les épisodes les plus intéressans du voyage ; toujours préoccupés de leurs fameux privilèges, ses compatriotes le chargèrent de rédiger aussi pour la souveraine un message où seraient exposées leurs doléances et leurs prières. Ce message, écrit avec grand soin sur parchemin, revêtu des signatures de tous les pères des provinces, fut remis solennellement à la reine : dans un langage respectueux, mais ferme à la fois, l’orateur demandait qu’on ne portât jamais atteinte à ces franchises reconnues jadis par les rois catholiques et que les Basques considèrent comme leur bien le plus cher, leur honneur et leur droit. C’est dans le même esprit qu’était conçu un mémoire sur l’organisation sociale de la Viscaye destiné a notre exposition universelle de 1867 et publié plus tard aux frais du señorio. Il n’en fallait pas davantage pour que Trueba devînt suspect à tout un parti. En effet les habitans des provinces ne sont pas tous intéressés également au maintien des fueros ; cette ancienne organisation favorise singulièrement les campagnes au détriment des centres ; pour ne citer qu’un exemple, dans les élections le moindre bourg-pourri, le moindre pueblo est mis sur le même pied que l’opulente et industrieuse Bilbao. On comprend dès lors que les villes, où d’ailleurs l’élément étranger est beaucoup plus considérable, ne fussent nullement portées à vanter un régime dont elles-mêmes n’avaient qu’à se plaindre ; bien au contraire elles ne négligeaient aucune occasion de réclamer l’assimilation des provinces basques au reste de l’Espagne. De là entre elles et les campagnes un antagonisme toujours croissant.

Lorsque la dernière guerre éclata, de même que les paysans acclamaient don Carlos, les villes prirent parti pour les libéraux, et, comme il arrive toujours en pareil cas, les discordes publiques s’envenimèrent des rancunes privées. Quiconque était soupçonné de sympathie pour la cause contraire était aussitôt dénoncé, injurié,