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son masque, de montrer son visage et le dessous de ses cartes. Ces salutaires dispositions font bien augurer de l’avenir, et on peut croire que les pessimistes se trompent dans leurs présages et dans leurs pronostics, quand ils nous annoncent pour le printemps prochain de déplorables conflits de pouvoirs. Rien n’est plus rassurant à cet égard que les professions de foi des candidats au sénat. Tous ou presque tous ont du promettre à un pays affamé d’ordre et de paix qu’ils respecteraient le statu quo, qu’ils attendraient patiemment pour faire triompher leurs idées particulières que l’heure légale de la révision fût venue. À la vérité, parmi ces candidats et ces faiseurs de professions, il en est plusieurs qu’on soupçonne de s’être servi de la parole pour dissimuler leur pensée. Leurs allures sont suspectes, ils passent pour avoir le pied fourchu ; mais ils ont eu soin de s’en cacher, et la contrainte qu’ils s’imposent est un hommage rendu à l’esprit vraiment conservateur qui anime la France, à son désir très sincère de voir durer le plus longtemps possible les institutions qu’elle s’est données. Pour tout résumer en un mot, elle exige de ses mandataires que l’expérience qui sera faite soit loyale, et elle souhaite que cette expérience réussisse. Que peut-on lui demander de plus ? C’est au destin et à ses ouvriers de faire le reste.

Il est un point qu’il faut concéder aux pessimistes. Ils ont raison de croire que nous sommes menacés à brève échéance d’une crise ministérielle. Bien avant que le marronnier du 20 mars ait revêtu ses premières feuilles, le cabinet du 12 mars aura peut-être vécu ; mais les crises ministérielles sont des accidens inévitables en tout pays, et il ne faut pas les inscrire dans la liste des malheurs publics. Les ministres ne sont que des locataires dans la maison de l’état, et ces locataires n’ont pas de bail à terme fixe ; ils doivent se tenir toujours prêts à sortir. Le malheur est qu’ils s’avisent quelquefois de se regarder comme des propriétaires, ils s’imaginent que la maison est à eux ; c’est la cause de presque toutes les révolutions. Le cabinet du 12 mars vit-il encore ? À vrai dire, il se survit. Il a failli mourir le 9 janvier. On est parvenu tant bien que mal à conjurer la crise ; mais on n’a fait que du replâtrage, et personne ne croit que cette réparation hâtive puisse résister au premier coup de vent. Si jamais traité de paix mérita l’épithète de boiteux, c’est celui qu’ont signé les membres du cabinet pour en revenir provisoirement à l’édit d’Amboise. Cette paix boite très bas ; on ne peut douter qu’elle ne soit caduque.

La crise a été provoquée par M. le vice-président du conseil, et il n’a pas agi sans de bons motifs. Ce qu’on lui reproche, c’est d’avoir attendu pour entrer en campagne le départ de l’assemblée ; il avait l’air de vouloir se soustraire à son contrôle. Plus d’une fois il s’était porté garant de l’homogénéité du ministère et de l’entente cordiale qui régnait entre