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artilleurs de Bosquet. Le général, qui a pour tout état-major un officier d’ordonnance et un porte-fanion, franchit l’Alma à gué. Autour du cheval de Bosquet, en avant, en arrière, se presse, dans le lit de la rivière, une foule de turcos, avec de l’eau jusqu’à mi-jambe, se poussant pour suivre leurs tambours et leurs clairons qui, déjà parvenus sur l’autre rive, se dirigent du côté des Russes. Un clairon s’est arrêté une minute pour prendre de l’eau. Agenouillé et la main gauche appuyée à terre, il remplit son bidon à la petite rivière. Derrière le groupe des tambours, vus de dos, une des batteries du commandant Barral, dont la silhouette se détache au-dessus d’un caisson, commence à gravir les premières pentes des hauteurs. On voit que ce n’est pas sans peine que s’accomplit ce tour de force. Les chevaux tirent de toute leur vigueur, les conducteurs fouettent à tour de bras, les servans de pièces, aidés par les tambours algériens, poussent énergiquement à la roue. Les premières pièces d’une autre batterie, engagées dans le cours d’eau, suivent le mouvement. A l’extrême droite, au troisième plan, les têtes de colonne des zouaves escaladent des hauteurs presque à pic. Sur la rive gauche de l’Aima, les régimens de ligne de la brigade d’Autemarre se mettent en marche pour seconder les zouaves.

L’aspect un peu panoramatique que donnent à cette œuvre la composition en amphithéâtre et les fonds presque vides ne lui retire pas son caractère de tableau. Il n’y a pas à la vérité de groupe principal, mais les masses du premier plan, bien liées ensemble, forment comme un seul groupe où le regard se porte naturellement. La composition est excellente, les attitudes des figures naturelles et animées, l’ensemble de l’œuvre enfin a de l’effet par le mouvement, l’entrain, le pittoresque ; mais l’exécution est pauvre, sans accent, sans vigueur. Elle n’a ni la fougue, ni le premier jet, ni l’énergie grâce auxquels on est porté à pardonner les négligences et les incorrections ; elle n’a pas non plus la fermeté de touche, la recherche de la ligne, la perfection du modelé, qu’on admire dans les œuvres où le génie s’est armé de patience. La couleur généralement terne et noire, sauf dans les fonds très légers et très aériens, a parfois de blessantes crudités. Le groupe des tambours de turcos est loin d’être harmonieux. Le cheval du général Bosquet et celui de son aide-de-camp ont le premier des tons d’acajou, le second des tons de palissandre qui appartiennent plus à l’ébénisterie qu’à la peinture. Les esquisses de Pils sont supérieures à ses tableaux. Celle de la Bataille de l’Alma est d’une tonalité plus fraîche et plus imprévue ; il y a plus d’énergie et plus d’entrain encore dans les artilleurs qui poussent le canon, plus de furia dans les zouaves qui escaladent les hauteurs. Il a fait aussi, pour sa Réception des