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à côté de l’autre. Les gouvernemens trouvaient juste et opportun, quand il s’était révélé un changement notable dans le rapport de l’or à l’argent, de modifier la proportion entre les poids d’or et d’argent monnayés qui faisaient la même somme et acquittaient la même dette. Le gouvernement anglais, qui s’est comporté beaucoup plus honnêtement que les autres dans les affaires de la monnaie, en a donné plusieurs exemples. Le grand Newton, qui avait l’emploi de directeur de la monnaie de Londres, la seule qui existât dans les trois royaumes, consulté dans des cas pareils, avait donné des avis qui tous recommandaient cet expédient comme le seul qui fût rationnel et efficace pour assurer la circulation simultanée des deux métaux. L’administration avait écouté ses conseils. En France, M. de Galonné, contrôleur général des finances sous Louis XVI, se trouvant aux abois, imagina en 1785 de refondre les monnaies d’or, de manière à tirer du même poids de métal un plus grand nombre de louis de 24 ou de 48 livres. L’opération réussit et procura un profit à l’état, profit légitime parce que en réalité l’argent, juste à ce moment, baissa par rapport à l’or, à peu près dans la proportion adoptée par le ministre. L’entreprise de M. de Calonne était parfaitement régulière, en considérant l’argent comme la matière de l’étalon monétaire.

A peine l’Amérique était découverte, que la reine d’Espagne Isabelle, remarquant que l’or apporté de Saint-Domingue avait changé dans la Péninsule le rapport entre l’or et l’argent et fait baisser l’or, rendait un édit daté de Médina, en vertu duquel, dans les monnaies, l’or, jusque-là : admis sur le pied de 1 contre 11 six dixièmes d’argent, ne le serait plus que sur la base de 1 contre 10 sept dixièmes. Cet édit est de 1797. Il y avait cinq ans qu’on avait débarqué à Saint-Domingue.

La pensée à laquelle se sont souvent conformés les gouvernemens des siècles antérieurs au nôtre, quand le rapport entre les deux métaux avait changé notablement dans le commerce, de transporter dans la monnaie ce changement, par la modification du poids des pièces formant la même somme en pièces d’or et en pièces d’argent, était irréprochable sous la réserve que les variations apportées à la consistance des pièces de monnaie affectassent toujours celles du même métal, en laissant intactes celles de l’autre considéré comme la matière de l’étalon monétaire, ainsi que nous venons de le dire au sujet de l’opération de Calonne en 1785. Ce système n’était pourtant pas exempt de difficultés et d’inconvéniens destinés à s’aggraver dans l’avenir. Il y avait alors une force qui dans une certaine mesure tendait à empêcher les variations des monnaies d’être aussi fréquentes qu’elles auraient pu l’être, si le commerce des métaux précieux, soit monnayés soit en