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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/664

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les peuples, sur la révolution, au lieu d’acheter le dangereux concours des gouvernemens de despotisme. Au fond, l’immense majorité des chambres était disposée d’avance à lui donner raison ; elle sentait plus que jamais la nécessité, la sûreté de sa direction. L’unique question pour Cavour était d’offrir à cette majorité une occasion de se rallier. C’est ce qu’il se chargeait de faire dans la discussion publique qui s’ouvrait bientôt et qui décidait de la victoire. Il déroulait une fois de plus en traits aussi nouveaux que saisissans cette « politique de huit années, » qui avait commencé modestement, pour s’étendre, s’agrandir et se compléter par ce « système d’alliances » que la loi nouvelle avait précisément pour objet de fortifier.

Tout s’enchaînait dans ce large tableau, dans cette vivante démonstration où un homme maître de lui-même, obligé de se contenir, traitait les questions les plus délicates comme les plus élevées avec un tact toujours sûr, avec un art profond et ingénieux. Cavour ne cachait nullement que cette loi qu’il avait proposée, qu’il défendait, avait deux raisons essentielles. La première de ces raisons était de conquérir définitivement l’alliance française, non par une abdication de dignité ou un acte de subordination, mais par une marque sérieuse, libre et réfléchie de bon vouloir, et à ceux qui faisaient fi des alliances ou qui proposaient d’attendre que la France eût un autre gouvernement, il répondait par un exposé aussi spirituel que lumineux, modèle de politique sensée et de diplomatie habile. La seconde raison était de dégager l’Italie de toutes les solidarités funestes, et à ceux qui s’obstinaient à lier la cause de l’émancipation italienne à tous les bouleversemens, à la révolution universelle, il répondait avec émotion : « Insensés, de croire que la révolution qui mettrait de nouveau en péril les grands principes de l’ordre social pourrait être favorable à la cause de la liberté… Insensés qui ne voient pas qu’elle aurait pour effet de détruire tout vestige de liberté sur le continent… Insensés qui nous laissent voir que leurs aspirations sont plus révolutionnaires que patriotiques, qu’ils aiment, la révolution plus que l’Italie ! » Et allant plus loin ou plus droit à la situation du moment, il montrait le mal que les sectes avaient fait à l’Italie, le mal qu’elles venaient de lui faire encore par l’application de leurs théories de meurtre. « C’est un fait grave, désolant, s’écriait-il, il est douloureux au-delà de toute expression de voir une faction italienne professer et pratiquer de si horribles maximes… Eh bien ! en présence de tels faits, nous avons pensé qu’il était absolument nécessaire pour le bien de l’Italie que dans le seul état italien librement gouverné, il s’élevât une voix haute, non-seulement celle du gouvernement, mais celle de la