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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/673

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comme un modèle d’installation et d’outillage pour la marine à voiles. Celle-ci étant tombée en désuétude, il s’est trouvé insuffisant pour les besoins de la marine cuirassée. Le gouvernement russe a réparé cette insuffisance : des ateliers ont été construits pour les grosses forges, les plaques de cuirasses, la courbure et le montage de ces plaques au moyen de la machine hydraulique ; mais l’impatiente activité de l’administration n’a pas permis d’attendre la fin de ces préparatifs. Des bâtimens blindés ont été achevés à Nicolaïef dans des ateliers provisoires. Nous aurons l’occasion de décrire ces constructions d’un genre tout nouveau, à peu près inconnu auparavant dans la marine et qu’aucun autre pays n’a encore adopté. L’arsenal de Nicolaïef contient trois casernes pouvant recevoir chacune 2,000 marins, d’immenses magasins de vivres et approvisionnemens.

La Russie s’est hâtée en outre de faire disparaître les dernières traces de sa lutte avec la flotte anglo-française dans le voisinage et sur les côtes de la Chersonèse Taurique. Le détroit de Yeni-Kalé, ouvert entre la Mer Noire et la mer d’Azof, était fortement défendu en 1855. A l’entrée, les Russes avaient établi des batteries qui croisaient leurs feux dans une passe étroite ; elles défendaient la ville de Kertch. A la partie du détroit dans la mer d’Azof où se trouve Yeni-Kalé, un réduit de solide construction formait point d’appui pour l’armée russe. De plus une ligne de batteries flottantes embossées au même endroit, et soutenues à terre par une batterie rasante, couvrait de ses feux les abords de cette mer. Ce système de défense avait été complété par l’obstacle d’une rangée de navires coulés à fond et par des bouées explosibles semées sur le chemin des escadres alliées. Celles-ci néanmoins forcèrent le passage, et les Russes, se voyant exposés à être tournés, firent sauter successivement leurs ouvrages défensifs. Depuis la paix, ces ouvrages étaient restés démantelés. Le gouvernement vient d’y faire des travaux nouveaux et plus fortement conçus.

Kertch est désigné comme port d’attache et de construction de la marine dans la mer d’Azof. On en a reconstruit et fortifié les batteries. Celles-ci croisent leurs feux ; elles sont placées sur les hauteurs et protégées par des cuirasses semblables à celles des forts de Cronstadt. La mer d’Azof était le grand chemin des approvisionnemens de toute nature envoyés à la garnison de Sébastopol pendant le siège. Il avait paru nécessaire d’en détruire les dépôts créés dans les villes du littoral, la flotte avait été chargée de cette mission. Elle s’en acquitta avec succès ; mais à l’avenir toute autre expédition du même genre obtiendrait difficilement les mêmes résultats et ne passerait pas sans danger le détroit de Yeni-Kalé. La force navale destinée à barrer ce passage vient d’être réorganisée et doit se