Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fermerons-nous les yeux à la lumière ? Ce que pense de nous M. Hummel, on l’a vu ; l’ouvrage de Daniel ne nous est guère plus amical, ni sans doute celui de M. Sehlichting ; voilà pour ceux qui sont à notre connaissance. Et ce ne sont pas là des pamphlets, des brochures d’occasion et de circonstance, ce sont des livres d’enseignement et de lecture courante qui représentent plusieurs années de travail et de compilation, je dirais presque une vie consacrée tout entière à la géographie. Daniel était « professeur et inspecteur-adjoint au gymnase royal de Halle, » M. Schlichting est professeur à la Realschule de Kiel, M. Hummel est un professeur de séminaire ; ou voit que c’est bien l’enseignement que reçoit la jeunesse allemande, à tous les degrés indistinctement de l’instruction secondaire. Encore s’ils étaient de bonne foi ! Certes nous ne demanderions pas mieux que de le croire ; le moyen cependant, quand nous découvrons dans leurs livres des rapprochemens de chiffres où nous apprenons que la France ne compte qu’environ 400 ou 500 établissemens d’instruction secondaire, tandis que l’Italie en compterait près de 900[1] ? le moyen quand, après avoir parcouru cette singulière statistique de la population de la France, allant aux provinces baltiques de la Russie, par curiosité bien naturelle, on y trouve à peine mention, çà et là, de l’élément germanique, et pas un mot de ces populations luthériennes dont les souffrances ont permis de dire « que le martyrologe des protestans de la Baltique n’était pas moins lamentable que celui des catholiques de Pologne[2] ? » Que signifie donc alors ce travestissement de la géographie et de l’histoire ? De la géographie, quand sous prétexte de généalogie germanique on ne consent à reconnaître de vertus ou de qualités de caractère et d’esprit dans le monde que celles qu’y ont apportées les Germains :

Ah ! tournez-vous, de grâce, et l’on vous répondra.


C’est-à-dire, ouvrez vos annuaires et daignez y compter une bonne fois, depuis M. Dubois-Reymond jusqu’à M. de Talleyrand-Périgord, ce que vous y rencontrerez de noms d’origine française. Et quant à l’histoire, abandonnez donc une bonne fois ce sophisme suranné du barbare d’outre-Rhin régénérant le monde romain, tandis qu’il est plus clair que le jour que les grandes invasions des premiers siècles de l’ère chrétienne n’ont eu pour résultat que de dessécher dans son germe cette

  1. L’Italie répond d’ailleurs comme il convient à ces provocations gracieuses. Une revue s’est fondée tout récemment à Florence sous la titre de Revue internationale ; internationale, c’est-a-dire, d’après le sous-titre, britannica, germanica, slava. De la France, pas un mot, si ce n’est pour constater que le temps est venue de se soustraire à l’influence quelle prétendait exercer sur la science et la littérature italiennes.
  2. Saint-René Taillandier, Revue du 15 août 1854.