Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/789

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

put arriver à la plage, tant la côte était sur ce point encombrée de glaces. Aucune trace d’ailleurs d’habitation sur cette terre inconnue, dont la latitude fut trouvée de 72 degrés.

Les pilotes revirent soigneusement leurs calculs : ils estimaient avoir fait, depuis le départ de Sienen, 160 lieues environ à l’est quart nord-est. Augmentons cette distance d’un tiers, nous serons plus près de la vérité. Les pilotes ne tenaient en effet aucun compte du temps considérable pendant lequel ils étaient restés à la merci du vent. Les courans polaires avaient mis ce temps à profit pour entraîner l’escadre dans la direction du nord-est, et Willoughby, en cherchant Varduus, venait de découvrir la partie méridionale de la Nouvelle-Zemble. Quelle terre s’imaginait-il avoir rencontrée ? Se crut-il arrivé au fameux promontoire que doublèrent jadis les Indiens recueillis par le roi des Suèves ? Le journal de la Speranza n’en dit rien. On voit cependant les deux navires, qui sont venus butter contre l’impassible obstacle, s’acharner pendant quelque temps à le franchir. Le 15, le 16, le 17 août, ils essaient de remonter au nord. Le 18, le vent passe au nord-est, la Confidentia fait eau. Il faut chercher un port avant de songer à pousser jusqu’en Chine. Une nouvelle odyssée commence. Essayons d’en tracer les tours et les détours sur la carte de l’Océan-Arctique, non pas la carte de Sébastien Cabot, mais celle, qu’en 1872 ont dressée, à l’aide de toutes les explorations modernes, les hydrographes de Washington. Partis de la terre de l’Oie, — côte occidentale de la Nouvelle-Zemble, — la Speranza et la Confidentia, après avoir fait 70 lieues au sud-sud-est, jettent enfin la sonde par 10 et par 7 brasses. Nulle terre n’est en vue. Les Anglais ont rencontré la côte basse que visitent parfois les Samoïèdes, à l’est de l’île Kolguev[1], non loin du golfe formé, sous le 68e degré de latitude, par les alluvions de la Petchora[2]. Ce n’est plus vers la Chine que les voyageurs lassés se dirigent. A dater de ce jour, tous leurs efforts tendent vers l’Occident. Tantôt le vent du nord-est les favorise, tantôt le vent d’ouest s’oppose à leurs progrès. Ils vont ainsi, de bordée en bordée, circulant autour de l’île Kolguev, rasant le cap Kanin[3], traversant à leur insu l’entrée de la Mer-Blanche. Le 12 septembre, ils ont gagné la côte de la Laponie. C’est là, si l’on en croyait Sébastien Cabot, que doivent vivre les Scythes hippophages, los que cavalgan en ciervos y los monstruos de las grandes orejas. Partout cependant le pays semble inhabité. Le 14 septembre, après

  1. Ile Kolguev ou Kolgouev : par 69° 0’ de latitude nord, 40° 30’ de longitude est.
  2. L’embouchure de la Petchora est située par 68° 15’ de latitude nord, 52° 0’ de longitude est.
  3. Le cap Kanin, — Kanin Noss, — à l’entrée de la Mer-Blanche, est situé par 68° 40’ de latitude nord, 41° 8’ de longitude est.