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saccageaient régulièrement en se conformant aux ordres de leurs chefs. Cette infanterie mobile, encadrée dans une cavalerie mieux conduite et mieux disciplinée, était presque assurée de la victoire sur notre grosse et pesante cavalerie. Nos chevaliers français gardaient encore pour la plupart leur lourd haubert et ne faisaient que commencer à adopter l’armure de plaques de fer. Les hommes d’armes, au lieu de se former en escadron, avaient chacun leur escorte. Chaque chevalier était accompagné de son écuyer, de ses pages, de ses valets qui le servaient même à la bataille. Il y restait un seigneur, au lieu d’y devenir un soldat, ou plutôt chaque chevalier avait l’importance d’un général, car il avait en réalité ses aides-de-camp et ses officiers d’ordonnance, et jusqu’à ses archers à lui, pour le protéger quand il était renversé de sa monture. Un tel attirail pour chaque chevalier rendait à peu près impossibles les évolutions qu’aurait dû appeler dans les troupes à cheval la nouvelle façon de combattre de l’infanterie anglaise ; mais nos gentilshommes ne savaient point encore faire manœuvrer leur monture, et ce ne fut qu’au XIVe siècle que les Gascons introduisirent chez nous le manège du cheval. Au temps des premiers Valois, les chevaliers continuaient à combattre en haie et à charger sur une seule ligne ; ils eussent tenu pour indigne d’eux de se faire appuyer par une nombreuse infanterie, de crainte surtout de laisser l’honneur de la victoire aux hommes de rien qui la composaient d’ordinaire. Cette infanterie était d’ailleurs un ramas d’individus diversement armés et encore plus mal disciplinés, dont M. E. Boutaric nous a tracé le tableau. On y voyait à côté des arbalétriers, dont les meilleurs étaient au reste montés, des bidaux qui n’avaient pour toute arme qu’une lance et un couteau, des péquins munis de piques, des miliciens portant la hallebarde et la targe ou bouclier rond, et ces groupes d’hommes diversement armés et réunis en bandes comprises souvent sous le nom générique de brigands, parce qu’ils portaient des brigantines. Il ne faut pas non plus oublier les ribauds, enfans perdus qui combattaient à leur fantaisie à la suite des armées. Les arbalétriers, qui avaient à manier une arme lourde et d’un tir assez lent, au lieu de constituer chez nous le gros des forces comme c’était le cas pour les archers chez les Anglais, n’étaient employés d’ordinaire que pour engager l’action. Une semblable tactique annulait en partie les avantages numériques que donnait à notre armée l’arrivée des contingens fournis par les levées en masse auxquelles Philippe de Valois dut recourir en 1337 quand Edouard III débarqua en Normandie ; mais cet appel du ban et de l’arrière-ban, malgré le danger dont la France était menacée, ne fut pas beaucoup plus sérieux que ceux qui se résolvaient, auparavant en paiement de taxes. Une foule de gens composèrent, chacun suivant ses facultés,