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qu’il cherchait, une occasion de remettre le pied sur le sol français. La lutte fut longue, et elle a été peut-être le plus mémorable épisode de l’histoire de Bretagne. Les vicissitudes en furent très diverses.

Pendant la première moitié de l’année 1344, Charles de Blois envahit, à la tête d’une puissante armée, la partie de la Bretagne qu’occupaient les Anglais, auxiliaires de Montfort. Ses opérations furent couronnées d’un tel succès que Jeanne de Flandre, épouse de son adversaire, dut quitter le duché ; elle alla chercher un refuge en Angleterre et demander du secours à Edouard, son allié. Le principal événement de ces opérations fut le siège de Quimper. La ville fut emportée d’assaut le 1er mai 1344. Charles de Blois était un prince pieux dont les vertus et la charité rappelaient un peu celles de saint Louis ; il inspirait aux Bretons un enthousiasme qui tenait de l’adoration. On en a raconté mille traits touchans de bonté et d’humilité, et la foi naïve des Bretons allait jusqu’à lui attribuer des miracles. Ce prince déploya une grande activité dans le cours de la campagne. On le trouve, le 18 août suivant, occupé au siège de Guérande, et, vers le milieu de 1344, le parti de Montfort semblait tellement abattu, qu’un de ses principaux soutiens, Tanneguy-Duchâtel, fit sa soumission. Philippe de Valois, qui avait déjà sévi avec une impitoyable rigueur contre les seigneurs chez lesquels il rencontrait une hostilité déclarée, vint compromettre une situation si prospère par de nouvelles et sanglantes exécutions. Les haines se rallumèrent.

Le comte de Montfort, qui avait été fait prisonnier et enfermé à la tour du Louvre, réussit à s’échapper et reparut en Bretagne, où il allait mourir le 26 septembre 1365. Edouard nomma le comte de Northampton son lieutenant-général dans la province, dès le 24 avril de cette année, et, deux mois après à peine, les gens de Charles de Blois étaient défaits dans la lande de Cadoret, par Thomas de Dagworth, l’un des plus habiles officiers de l’armée anglaise, qui, environ deux ans plus tard, était nommé lieutenant et capitaine du roi d’Angleterre en Bretagne ; il inaugurait en juin 1347 sa prise du commandement par la brillante victoire de la Roche-Derrien, où l’on combattit avec un acharnement sauvage, et où ses troupes montrèrent cette supériorité d’organisation militaire que leur avaient assurée les innovations apportées par Edouard dans son armée. L’action s’engagea de nuit, et les Anglais y firent usage d’un mot d’ordre pour se reconnaître, idée bien simple, mais qu’ainsi que bien des idées simples on n’eut que fort tard et qui n’était pas venue à la tête des Français. Les hommes du capitaine anglais y maniaient avec adresse ces fameuses haches de guerre dont les Normands avaient introduit l’usage. Dagworth, pendant