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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/820

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en vue des travaux qu’ils méditent ; à peine sont-ils prêts au départ dans la seconde moitié de novembre. On leur recommande avec raison de ne pas arriver trop rapidement à Rome ; il est de leur devoir, à ces privilégiés, de ne point franchir en indifférens les grands et beaux degrés de la route, et d’apprendre à épeler la langue qu’ils vont avoir à parler. Qu’ils visitent d’abord la Provence, cette Italie anticipée, ou bien qu’ils fassent leur entrée par un beau passage des Alpes, le sac au dos et le bâton à la main, dès les premières villes les incomparables musées, les riches bibliothèques et les archives les attendent : les voilà livrés à l’obsession permanente de la science et des arts. Qu’ils arrivent par Gênes, Pise, Florence, Sienne, Chiusi, Orvieto, ou bien par Venise, Ravenne, Pérouse et Assise, qu’ils aient en dernier lieu, après les grandes cités de la haute Italie, traversé la mystique Ombrie ou le sévère pays étrusque, combien de notions et de vues diverses, combien d’émotions profondes, de celles qui donnent un nouveau tour et de vastes horizons à la pensée sont venues les assaillir ! Arrivés à Rome, que de nouveautés ! Tout un monde intellectuel et moral, une nature, un climat, un ciel, un sol, des monumens, anciens ou modernes, debout ou en ruines, si différens de ce qu’ils ont observé jusque-là ! Il faut évidemment laisser à ces jeunes voyageurs le temps de se reconnaître, de se retrouver eux-mêmes ; il faut qu’ils habituent leur esprit et leurs yeux, il faut qu’ils s’élèvent au niveau des hauts lieux ou ils vont vivre. On ne peut guère attendre de toute la première année que des ébauches, qu’une seconde année achèvera.

Le choix des sujets à traiter est, dès l’arrivée, une première épreuve très délicate. Les futurs membres de l’École d’Athènes cherchent naturellement des sujets grecs ou tout au moins communs à l’une et l’autre antiquité. Les anciens élèves de l’École des chartes, à cause même de la spécialité de leurs études, savent en général d’avance de quels manuscrits ils voudront entreprendre la collation ou la copie. Il en est souvent de la sorte, cela se comprend, pour les anciens élèves de l’école pratique des hautes études, mais non pas pour ceux de l’École normale supérieure, dont les recherches ont eu un caractère plus général jusqu’alors, et qui doivent se familiariser même avec des procédés de travail et d’esprit en quelque mesure nouveaux pour eux. — Il peut y avoir avantage à ce que ces différences notables soient mises en vive lumière dans le sein de la nouvelle école : elle saura, nous l’espérons, les rapprocher et les concilier sans les détruire, pour le plus grand profit de la double cause de la science et de l’enseignement.

Les sujets de travaux sont difficiles à choisir selon la vocation et le gré de chacun ; mais, à vrai dire, ils abondent ; voici de quelle nature nous les souhaitons. Nous devons éviter les desseins