Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/849

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Contenus. La Nouvelle-Serbie s’étendait sur les deux rives du Dnieper, dans son cours inférieur entre Bachmut à l’est et Jelysavetgrad à l’ouest ; cette ville, fondée par Horvat, porte, comme son nom l’indique, le nom même de l’impératrice sous laquelle s’était accomplie cette émigration (Jelysavetgrad=Elisabethville). Ce territoire confinait au nord à la Pologne, ou plus exactement à l’Ukraine, qui appartenait alors à la Pologne, et au sud à la Turquie. Les émigrans donnèrent à la plupart des villages fondés par eux des noms qui leur rappelaient les villes et les villages de leur ancienne patrie. En 1764, le district de la Nouvelle-Serbie fut supprimé et annexé au gouvernement de la Nouvelle-Russie. Cette colonie serbe conserva son individualité nationale aussi longtemps qu’elle vécut isolée. A mesure que la population russe l’entoura et se mêla aux Serbes, ceux-ci se russifièrent. Il n’en pouvait guère être autrement, maintenant qu’ils vivaient au milieu d’une population de même religion, et parlant un dialecte rapproché du leur. Ce qui facilita cette fusion, c’est aussi que ces Serbes n’étaient pas un peuple de lettrés, n’avaient pas de littérature écrite, et que leur langue ecclésiastique, la seule qu’écrivaient leurs popes (quand ils écrivaient), était la même que la langue ecclésiastique des Russes, le slavon. Si dans cette région les colonies allemandes, les colonies grecques et les colonies roumaines, fondées vers la même époque, ont conservé jusqu’à nos jours la tradition de leurs langues respectives, c’est que ces idiomes étaient trop éloignés du russe pour que la fusion pût se faire aisément.

L’histoire des Serbes restés en Hongrie continuait à suivre le même cours, à passer par les mêmes alternatives et par les mêmes complications. La chancellerie hongroise montrait le même acharnement à poursuivre les Serbes, et elle essayait de faire prévaloir cette doctrine que les privilèges de Léopold ne devaient s’appliquer qu’aux descendans des Serbes émigrés sous son règne. La députation aulique combattait ces prétentions, mais voyait peu à peu diminuer son autorité. Ainsi en 1752 elle avait en vain essayé de faire admettre les Serbes aux emplois publics. Le clergé catholique continuait ses empiétemens sur le domaine de l’église orientale. Des émeutes locales prenaient en 1755 assez de développement pour être une véritable insurrection : les bandes de Serbes insurgés atteignaient jusqu’à 20,000 hommes. En 1769, le congrès serbe, convoqué pour élire un successeur au métropolitain Nénadovitcb, s’occupa particulièrement de régler la discipline et l’organisation intérieure de l’église serbe. Ses décisions, approuvées par l’impératrice-reine, furent coordonnées dans un texte spécial sous le nom de Regulamentum constitutionis nationis Illyricœ. Mais ce règlement bornait au domaine religieux l’autonomie des Serbes et