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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/401

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la déclinait par une raison caractéristique. Il soutenait qu’on allait offrir à l’Europe les « élémens tout prêts d’un royaume séparé, » et d’un royaume séparé de l’Italie centrale, même avec les légations ; il n’en voulait à aucun prix, pas plus avec un Napoléon ou tout autre prince nouveau qu’avec un grand-duc lorrain. L’annexion au Piémont restait son dernier mot, parce que l’annexion c’était le « royaume fort » en face de l’Autriche, c’était l’Italie constituée, armée, et devant l’Italie seule il entendait abaisser la brillante couronne de l’indépendance toscane. Il se refusait à une combinaison qu’il croyait dangereuse, il ne marchait pas moins d’accord avec Farini, et c’est ainsi que pendant six mois, par l’œuvre de quelques hommes, l’Italie centrale offrait le spectacle de populations unies dans un même sentiment, disciplinées, résistant à tous les entraîmens comme à toutes les provocations. Un seul crime, le meurtre du colonel Anviti, attristait Parme, et aussitôt éclatait une protestation universelle. « Si on m’avait annoncé il y a deux mois ce qui se passe maintenant, écrivait familièrement d’Azeglio, j’aurais ri au nez du prophète. Qui aurait cru possible de voir les Romagnols doux et sages, les Toscans énergiques et tous les clochers à l’esprit dix fois séculaire crouler avec un si parfait ensemble dans toutes les villes italiennes ? »


II

Il est vrai, même avec l’habile hardiesse des chefs et la docilité des populations, même avec tant de complicités intérieures conspirant ensemble, cette campagne de l’Italie centrale n’aurait pu aller jusqu’au bout, si elle n’avait eu pour elle la faveur des circonstances les plus inattendues, le trouble profond de l’Europe au lendemain de Villafranca. Les Italiens avaient l’avantage d’une idée fixe, d’une politique précise en face d’une diplomatie qui ne savait plus ce qu’elle voulait ou ce qu’elle pouvait, au milieu des incohérences et des contradictions de toutes les politiques. Leur génie était de rester maîtres d’eux-mêmes et de savoir profiter de tout dans un des plus curieux imbroglios où se soient agitées les affaires humaines, dans cette mêlée de six mois où l’Autriche, la France, l’Angleterre, le Piémont jouaient une si étrange partie, en ayant toujours l’air de préparer un congrès, — qui ne devait jamais se réunir.

L’Autriche, dans ces nouvelles péripéties du lendemain de la guerre, n’avait évidemment qu’un rôle et qu’un but. Réduite à céder une de ses plus brillantes provinces, elle tenait à garder ce qui lui restait de domination, directement dans la Vénétie, indirectement par les restaurations qui lui avaient été promises dans les