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d’anarchie. Quant au parlement, à mesure que l’heure de la grande décision approchait, les illusions se dissipaient sur le chiffre de la majorité monarchique.

Quoi qu’il en soit, la question posée devant le pays entre la restauration de la monarchie et le maintien de la république avait classé les partis : d’un côté le centre droit, la droite et l’extrême droite, de l’autre le centre gauche, la gauche et l’extrême gauche dite l’union républicaine ; à part, le petit groupe des partisans de l’empire qui devait se porter tantôt à droite, tantôt à gauche, pour prolonger le provisoire, l’anarchie parlementaire, dont lui seul devait profiter. La situation politique, à partir de ce moment, était déjà mauvaise, sinon irrémédiable. Nous disons mauvaise, parce qu’elle rendait toute majorité de conciliation impossible. Il ne pouvait plus y avoir, et il n’y eut réellement plus que des majorités d’occasion et de coalition. D’ailleurs elle n’était pas meilleure dans le pays que dans le parlement. Les partisans sensés de la monarchie, qui la voyaient impossible, eussent dès lors concouru, comme on les y conviait, à l’établissement de la république, que les partis parlementaires eussent pu difficilement empêcher que la question de monarchie ou de république ne primât toutes les autres. Déjà, comme plus tard, les électeurs n’eussent vu que les deux drapeaux opposés et eussent impitoyablement écarté tous les candidats suspects de sympathies monarchiques, en dépit de leurs derniers votes et de leurs professions de foi sincèrement constitutionnelles. En tout cas, la coalition était forcée, à droite comme à gauche, dans le parlement ; M. de Broglie dut épuiser toutes les ressources de sa fine et subtile politique à maintenir le faisceau de la majorité du 24 mai, toujours prêt à se rompre, et il ne put réussir qu’au prix d’un remaniement du personnel administratif et municipal, dans lequel le parti bonapartiste eut une trop large part. Il vit bientôt ce qu’allait devenir cette majorité de coalition, quand il proposa l’établissement incomplet et toujours provisoire d’un gouvernement défini sous le nom de septennat. Si ce fût son expiation du 24 mai, ce fut aussi son honneur d’être tombé, lui également, sous les coups d’une coalition dont les bonapartistes et les légitimistes intransigeans firent l’appoint, sur une question de priorité d’une loi constitutionnelle.

L’anarchie parlementaire se prolongea sous le ministère suivant jusqu’au moment où, le pays commençant à perdre patience et le parti de l’empire devenant de plus en plus menaçant au dehors, il fut manifeste pour tous les esprits sensés et prévoyans, à droite comme à gauche, que l’empire allait se refaire, si l’assemblée ne se hâtait de donner un gouvernement définitif au pays. Une majorité de coalition, mais cette fois de coalition patriotique, se forma tout