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à coup et fit en quelques jours une constitution qui paraissait la veille impossible aux partis acharnés à maintenir le provisoire et l’anarchie. La république reconnue et la constitution faite, il semblait que le moment fût enfin venu de former une majorité constitutionnelle et conservatrice sur la base même des institutions votées par l’assemblée. On put le croire un instant lorsqu’on vit se former un ministère où entraient MM. Dufaure et Léon Say à côté de MM. Buffet et de Meaux. N’avait-on pas enfin résolu le problème de la conjonction des centres ? Que la majorité qui avait voté la république dût devenir la majorité de gouvernement, y compris l’extrême gauche, à l’exclusion de tous ceux qui n’y avaient pas concouru, alors qu’il s’agissait de préparer les élections des chambres qui devaient faire fonctionner les nouvelles institutions, c’était trop demander au centre droit dont le concours avait été nécessaire. Ni M. Dufaure ni M. Léon Say n’ont jamais admis cette prétention exagérée du parti républicain. Évidemment il fallait former une nouvelle majorité en y faisant entrer tous ceux qui acceptaient franchement la république constitutionnelle, qu’ils l’eussent votée ou non, en n’excluant, soit à droite, soit à gauche, que les groupes qui n’en voulaient pas ou la voulaient tout autre qu’elle n’avait été faite. Malheureusement, ni le chef du cabinet, ni le parti républicain, ni le groupe conservateur constitutionnel, ne se prêtèrent à cette politique de conciliation. Les trois fractions de la gauche qui avaient obtenu par leur union le résultat poursuivi avec autant d’habileté que de persévérance ne voulurent point rompre cette union après la victoire. Déjà elles voyaient venir les élections et n’entendaient pas se séparer avant la lutte électorale. Le groupe conservateur constitutionnel, de son côté, hésitait, par les mêmes raisons, à se séparer du groupe qui persistait à repousser la constitution. Lui aussi, comptant peu sur l’appui des conservateurs républicains aux prochaines élections, ne voulait pas se présenter seul devant le pays, et croyait devoir ménager les autres groupes monarchiques. D’ailleurs, après le sacrifice nécessaire, mais douloureux, qu’il venait de faire de ses convictions et de ses espérances monarchiques, il répugnait à rompre avec les collègues en compagnie desquels il avait si longtemps vécu et combattu contre les fractions ardentes du parti républicain. C’est alors qu’on vit M. Buffet, plus défiant que jamais pour ses adversaires de la veille, devenus ses alliés du jour dans la campagne constitutionnelle où il eut le premier rôle, pratiquer la trop ingénieuse idée de gouverner et d’administrer la république avec le concours de l’ancienne majorité conservatrice, y compris le groupe bonapartiste, et à l’exclusion d’à peu près toutes les fractions de la gauche, dont l’alliance maintenue lui