Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/850

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mariage, lui a lancé cette révélation comme dernier argument, sans ajouter, bien entendu, qu’il a provoqué la rencontre des deux femmes. Mais aucune considération n’empêche Grandcourt de retourner mettre son nom et sa fortune aux pieds de miss Harleth ; il renouvelle sa demande avec une froide obstination, l’obstacle le tente et la seule pensée de paraître céder à une influence quelconque l’exaspère. Que peut faire Gwendoline ? Il faudrait pour résister plus de force d’âme qu’elle n’en possède. Ayant à choisir entre la position dépendante d’institutrice et cette recherche, qui flatte son orgueil, qui lui promet les prestiges du rang, les enchantemens du luxe, qui assure même l’avenir de sa mère, car Grandcourt emploie tous les moyens pour vaincre, elle prononce enfin le oui funeste qu’elle a si longtemps fait attendre.

Le mariage a lieu promptement. Dans l’intervalle, Grandcourt, plus amoureux qu’il ne se croyait capable de l’être encore, ne fait qu’une seule absence, très courte, pour aller en personne annoncer son mariage à Mme Lydia Glasher, qui habite Gadsmere, une de ses terres, et lui réclamer les diamans de famille qu’il compte offrir à Gwendoline. Lydia refuse de les lui rendre sur l’heure, mais elle promet solennellement qu’il les trouvera en arrivant à Ryelands, où doit se passer sa lune de miel, et il ne daigne pas contrecarrer ce dernier caprice de femme abandonnée. C’est un caractère intéressant que celui de cette Lydia, aux passions ardentes et profondes, que domine cependant l’amour maternel exalté. Dans toutes les douleurs qui la frappent, elle voit le châtiment de sa conduite envers un premier enfant qu’elle a laissé derrière elle lorsque le jeune Grandcourt l’enleva dix ans auparavant à une vie honorée. Elle courbe la tête devant ce souvenir, mais non pas devant son bourreau dont elle est résolue à se venger. En effet, lorsque la nouvelle mariée, après toutes les pompes d’une brillante cérémonie, arrive au château de Ryelands, où elle est reçue en souveraine par une armée de laquais dans des galeries magnifiquement éclairées, remplies de fleurs, garnies de statues et de portraits de famille, une surprise l’attend, un coup dont elle ne se relèvera jamais. — La voici seule dans son appartement, se préparant à changer de toilette ; la femme de charge vient de lui remettre un paquet soigneusement cacheté qu’elle avait ordre de ne donner qu’à elle-même, un présent particulièrement commandé par M. Grandcourt, a dit la personne qui est venue l’apporter, et Gwendoline pense tout de suite aux diamans que lui a promis son mari. Elle ouvre l’écrin, pressée d’essayer les parures qu’il renferme : en même temps que l’éclat des diamans, ses yeux rencontrent une lettre posée dessus ; Gwendoline connaît l’écriture, il lui semble qu’un aspic s’est caché là, et devant lui son cœur fait un bond dans lequel s’épuise toute sa