Il indiquait la Sicile et le port de Messine comme rendez-vous général des flottes de la chrétienté. C’est à Malte que l’on devait entasser les canons pris aux infidèles, pour les répartir ensuite entre tous les belligérans. Il faudrait gagner à sa cause le roi de Perse et les petits Tartares, se défier des Grecs, tourner contre les Turcs leurs sujets arabes, et les gratifier des timars enlevés aux spahis : à ce prix, ils embrasseraient volontiers la civilisation occidentale. Coppin, à l’instar de Sully et de Brèves, dresse un tableau des forces de terre et de mer nécessaires à la croisade : il semble donner tort à de Brèves et raison à Sully. Où il est original, vraiment comique en son genre, c’est lorsqu’il entreprend de faire un partage catégorique et détaillé des contrées orientales entre les futurs confédérés. Il est préoccupé de maintenir en tout et pour tout, l’équilibre européen, sans donner néanmoins à Louis XIV le moindre sujet de plainte. C’est ainsi qu’il mesure au cordeau l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Dans les états barbaresques, il donne aux Anglais Tanger, aux Espagnols Oran et Alger, aux Français Bone et Tunis, aux Portugais Tripoli, aux Hollandais Barcah. — La Morée ou Péloponèse est à ses yeux d’un prix inestimable; il la met en menus morceaux fort appétissans. La France aura Corinthe, l’Espagne Argos; l’Angleterre Lacédémone, le Portugal Sicyone, Venise Messène, la Hollande Pise. La Savoie, Florence, Gênes et Lucques auront chacune un quart de l’Elide, où florissaient autrefois les jeux olympiques. Le pape sera mis en possession d’une moitié de l’Arcadie, et abandonnera l’autre aux ducs de Modène et de Parme.
Venise redeviendra la reine de l’Adriatique; elle aura l’Esclavonie, la Bosnie, l’Albanie, l’Epire. L’empereur recouvrera la Hongrie, augmentée de la Serbie, d’une partie de la Bulgarie et de la Macédoine. La Pologne s’accommodera de la Valachie, de la Moldavie, de la Podolie et du reste de la Bulgarie. L’Espagne occupera tout l’espace entre le golfe de l’Arta et le défilé des Thermopyles : l’Achaïe, Athènes et Thèbes seront comprises dans son lot. A l’Angleterre la Thessalie, au Portugal le reste du littoral de l’Archipel jusqu’aux Dardanelles. La France sera maîtresse des détroits : elle aura Constantinople, Andrinople, Brousse, c’est-à-dire les trois capitales ottomanes et leur territoire; elle s’étendra jusque sur le plateau d’Asie-Mineure, jusqu’à Trébizonde. Les Cyclades et les Sporades feront le bonheur des petits princes et des petites républiques italiennes, que Jean Coppin, qui a reçu du pape le mot d’ordre (il le donne à entendre), soigne d’une façon particulière. Chemin faisant, il se rappelle que Modène, Mantoue, Parme, etc., n’auraient pas la moindre galère pour communiquer avec leurs îles microscopiques. Il les autorise donc à s’en défaire, moyennant finance. — Les Toscans,