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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/339

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lui opposer les désastres du système de Law et la ruine des assignats, il est juste de compter aussi à son actif les services qu’il vient de rendre à l’Europe et à l’Amérique, et ces services sont tellement appréciés qu’il y a aujourd’hui un autre danger à craindre dans la faveur dont Jouissent les billets à cours forcé. Si on consultait par exemple l’opinion publique en France, on pourrait se dispenser de revenir jamais au paiement en espèces; peu de gens le réclament, et on considère volontiers la situation actuelle comme l’idéal. On a de l’or, de l’argent ou des billets à volonté; le cours forcé n’existe plus que pour la forme, assez pour favoriser l’extension de la circulation fiduciaire, ce dont personne ne se plaint. On ne voit pas ce qu’on pourrait gagner à rentrer dans des conditions plus régulières. Il est vrai que la situation n’est pas la même partout. Dans les autres pays, le papier-monnaie, malgré une amélioration sensible, perd encore en moyenne de 15 à 20 pour 100. Cependant, même dans ces pays, on s’est si bien habitué à l’état de choses nouveau, tant d’intérêts s’y rattachent, qu’en Amérique surtout il y a un parti considérable qui voudrait garder les greenbacks et qui en demande même l’augmentation pour répondre à de prétendus besoins. Ce parti, dit inflationist, est tellement puissant, particulièrement dans l’ouest, qu’il n’a pas craint de faire de ses idées un programme pour l’élection à la future présidence de l’Union américaine; c’est la première question sur laquelle les candidats ont à s’expliquer.

L’Italie est beaucoup plus réservée. Sans méconnaître les services qu’elle a reçus du papier-monnaie, elle ne se fait pas illusion sur les inconvéniens qu’il entraîne, et pour édifier l’opinion publique à cet égard, elle les a signalés avec beaucoup de force dans le rapport officiel que nous avons déjà indiqué, rapport bien fait, très détaillé, et qui est dû à la plume de MM. Minghetti et Finali, tous deux membres du parlement, dont le premier a été ministre des finances et l’autre ministre de l’agriculture et du commerce[1]. Voyons en quoi ils consistent.


I.

Le premier de ces inconvéniens est de troubler instantanément toutes les situations. La veille du jour où le papier-monnaie est établi, on pouvait acheter avec son revenu, son traitement ou son salaire, une certaine quantité de choses nécessaires à la vie. Le lendemain on ne le peut plus; ces choses ont renchéri immédiatement, par suite de la dépréciation qui atteint le plus souvent les

  1. Relazione sulla circolazione cartacea. Mars 1875.