vastes conceptions du génie germanique appliquées au commerce et à l’industrie. C’est alors que sont arrivés les milliards. On commettrait une grosse erreur en leur attribuant tout le mal, en les considérant même comme la cause directe de la catastrophe ; mais il est vrai qu’ils l’ont aggravée. L’idée très fausse se répandit que la richesse publique allemande s’était considérablement accrue. La Bourse feignit de croire que la source était inépuisable, et aussitôt, à l’étourdie, dépassa dans les opérations de crédit les limites de l’honnête et du raisonnable. On ne comprend pas que le gouvernement de l’empire n’ait pas vu le danger, lui qui savait que l’argent conquis devait, en très grande partie, être employé à payer les frais de guerre, à indemniser les familles atteintes par la misère, ainsi que les blessés et les parens des morts, à refaire le matériel, à élever de nouvelles forteresses, en un mot à toutes sortes de dépenses qui sont d’intérêt public, mais que l’on ne peut considérer comme productives. Il appartenait au gouvernement de ne pas laisser croire que les milliards étaient pour jamais versés dans les affaires ; pourtant il ne fit rien pour prémunir le public contre de dangereuses illusions. En remboursant l’emprunt de guerre il commença par mettre en circulation beaucoup d’argent, qui prit tout de suite le chemin de la bourse. Bientôt arrivèrent les premiers versemens de l’indemnité, faits le 30 septembre 1871 et le 31 mars 1872. Le marché prit dès lors une physionomie inquiétante. La prudence commandait d’employer la dernière moitié de la contribution de guerre, jusqu’au jour où elle devait être reprise par l’état, de manière qu’elle ne refluât pas sur les bourses allemandes, dût le gouvernement retirer un moindre intérêt de son argent. Une partie des versemens du 30 septembre 1872 et du 30 août 1873 fut bien consacrée à des achats d’or à l’étranger et à des paiemens aux divers états ; mais tout le reste revint à la Bourse sous forme d’achats de fonds, d’avances sur titres et d’escompte de papiers. Alors l’équilibre déjà compromis fut rompu, et l’état, pour avoir agi comme un banquier qui cherche les plus gros intérêts, prit sa part de responsabilité dans le désordre économique où la nation était plongée.
Déjà ce désordre éclatait de toutes parts. Au premier moment, la spéculation s’était portée sur des valeurs étrangères, américaines pour la plupart, sur l’Alabama-Chattanoga, l’Oregon and California, sur les obligations de vingt-six compagnies de chemins de fer d’Amérique, toutes valeurs promettant des intérêts énormes. On