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ce but que de demander au parlement la seule force morale capable de vaincre les sectes et de nous conserver les sympathies de l’Europe libérale. Retourner à des comités de salut public, ou ce qui est la même chose à des dictatures révolutionnaires d’un seul ou de plusieurs, serait tuer à sa naissance la liberté légale, que nous voulons comme compagne inséparable de l’indépendance de la nation. »

Ainsi il parlait dans l’intimité comme en public, prétendant toujours résoudre les questions les plus compliquées, aussi bien que les plus simples, par la liberté, par les pouvoirs légaux au sein de la liberté, faisant tour à tour du régime parlementaire le plus grand moyen d’action ou le plus puissant instrument de modération. C’est dans ces idées que dès le début du conflit avec Garibaldi il avait décidé la convocation des chambres, et le jour où le parlement se réunissait à Turin, au commencement d’octobre, pendant que la crise du midi se déroulait encore, il ne rusait pas, il ne voulait surtout ni envenimer, ni dissimuler le conflit; il précisait la situation : urgence d’appeler les provinces méridionales à se prononcer sur l’annexion, nécessité de clore la période révolutionnaire par la création définitive d’un royaume de 22 millions d’Italiens, gravité de ce fait nouveau de l’intervention « d’un homme justement cher au pays, » témoignant sa défiance envers le cabinet. « Un dissentiment profond, disait-il, s’est élevé entre le général Garibaldi et nous; ce dissentiment, nous ne l’avions pas provoqué... Que pouvait faire le ministère? Passer outre sans savoir si le parlement ne partageait point les idées de Garibaldi sur sa politique? Si nous avions fait cela, on nous aurait reproché avec raison de n’avoir pas consulté le parlement dans une circonstance aussi critique... Nous retirer?.. Si la couronne fût venue à changer de conseillers à la requête d’un citoyen, quelque illustre et bien méritant qu’il puisse être, elle aurait porté un coup mortel à notre système constitutionnel... Nous ne pouvions que convoquer le parlement, nous l’avons fait... C’est au parlement de décider... Si votre vote nous est contraire, la crise ministérielle s’accomplira, mais en conformité des grands principes constitutionnels. S’il nous est favorable, il agira sur l’âme généreuse du général Garibaldi. Nous sommes sûrs qu’il en croira les représentans de la nation plutôt que les mauvais citoyens dont le triste travail est de séparer des hommes qui ont énergiquement et longtemps lutté pour la cause nationale... » Et la discussion se terminait par un vote à peu près unanime de confiance pour le gouvernement, accompagné d’un vote non moins unanime d’admiration pour Garibaldi, auquel le ministère n’avait garde de se refuser.

La victoire morale et politique restait à Cavour appuyé sur le