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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/474

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aussitôt à l’œuvre pour faire accepter un armistice à Constantinople. La Turquie, toujours accoutumée à prendre son temps, ne se hâte pas ; elle répond d’abord par des moyens évasifs, par des conditions inacceptables, déclinant l’armistice régulier sans se refuser toutefois à une suspension tacite d’hostilités. Ce n’est point l’affaire de l’Angleterre, qui reparaît bientôt à Constantinople avec des propositions plus précises, appuyées par toutes les puissances. Ce sont ces propositions qui sont restées par le fait le programme de l’Europe dans tout cet imbroglio. Qu’arrive-t-il cependant ? Au moment où l’Angleterre agit ainsi, amenant la Turquie à prolonger de quelques jours la suspension tacite d’hostilités dans l’intérêt de la négociation engagée, à ce moment la scène change, ou du moins la question se complique. La Serbie, sans attendre le résultat de la médiation qu’elle a elle-même provoquée, « sans consulter personne, » court de nouveau aux armes, et à son tour la Russie, sous prétexte que la Turquie n’a point encore souscrit au programme anglais devenu le programme européen, la Russie intervient avec une combinaison toute nouvelle ; elle agit à Vienne par la mission Soumarokof, à Londres par le comte Schouvalof : elle propose une occupation de la Bosnie par l’Autriche, une occupation de la Bulgarie par les troupes russes, pendant que les flottes des puissances entreront dans le Bosphore.

Ici évidemment se dessine déjà une double action, un antagonisme intime. L’Angleterre, en poursuivant la conclusion d’un armistice de six semaines au moins, l’acceptation par la Turquie des propositions européennes qui devront être soumises à une conférence, l’Angleterre veut encore le maintien des traités, l’intégrité de l’empire ottoman ; ce que propose la Russie est une violation des traités et ressemble à un premier pas vers le démembrement de la Turquie. Le cabinet de Londres ne peut s’y méprendre, il se maintient sur son terrain, prêt à déjouer le danger par une nouvelle tentative plus énergique. En même temps qu’il sermonne vertement la Serbie pour son coup de tête et qu’il décline la proposition russe, il redouble d’efforts à Constantinople pour enlever l’acceptation de l’armistice et des propositions adoptées par l’Europe ; il va jusqu’à menacer la Porte de rappeler son ambassadeur, de l’abandonner, si elle ne se hâte pas de souscrire au seul moyen de couper court à des complications croissantes. Cette fois la Turquie paraît s’exécuter ; elle dépasse même ce qu’on lui demande, elle offre un armistice de six mois. Nouveau coup de théâtre ! L’Angleterre, qui n’a parlé de six semaines que comme d’un minimum, ne voit naturellement aucun inconvénient à la trêve de six mois ; elle se tient pour satisfaite. L’Autriche et la France pensent comme le cabinet de Londres. L’Italie hésite à se prononcer. L’Allemagne consultée, répond au fond que cela lui est bien égal, que six mois seraient parfaitement acceptables à la condition de plaire à la Russie ; mais la Russie, de son côté, ne veut plus de cet armistice de six mois. Elle s’attache aux six semaines primitivement