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populaire à celle des Enfans-Malades, qui lui a été donnée depuis. Pendant cinquante ans, cet hôpital, bien situé, mais dans un quartier excentrique, a été le seul asile ouvert dans Paris aux maladies de l’enfance. Ce n’est qu’en 1853 que l’hôpital Sainte-Marguerite, vieux bâtiment situé rue de Charenton et affecté d’abord aux enfans trouvés, puis aux orphelins, fut, sur le désir de l’impératrice, transformé en un asile pour les enfans malades, et inauguré sous le nom d’hôpital Sainte-Eugénie.

Il n’y a pas de progrès qui ne trouve des contradicteurs. On ne sera donc pas étonné d’apprendre que des médecins qui ont cependant un nom dans la science se sont élevés naguère contre l’utilité des hôpitaux d’enfans et ont réclamé la dissémination de ceux-ci dans les hôpitaux d’adultes. Ils ont fait valoir les dangers de contagion réciproque qui résultent pour les enfans de la concentration des maladies auxquelles ils sont sujets, l’exemple de l’Angleterre, où les hôpitaux d’enfans ont été longtemps inconnus, enfin les besoins de l’enseignement clinique, qui veut que les élèves en médecine attachés aux grands hôpitaux de Paris puissent étudier en même temps les maladies des enfans et celles des adultes. À cela on peut répondre que le moyen de préserver les enfans de la contagion des maladies infantiles n’est pas de les exposer à la contagion des maladies d’adultes, — que les hôpitaux séparés pour les enfans tendent à se multiplier en Angleterre et en particulier à Londres, — enfin que le traitement des maladies des enfans a fait de grands progrès depuis que leur séparation d’avec les adultes a permis de former pour eux des médecins spéciaux. Mais la raison décisive est celle que donnait Frochot, c’est-à-dire l’inévitable inconvénient qui résulterait pour eux, au point de vue moral, de la promiscuité des hôpitaux d’adultes, dont la population indistinctement admise et nécessairement peu surveillée n’est point une société qui leur convienne. Ajoutons enfin que, perdus dans les hôpitaux d’adultes, ils cesseraient bien vite d’être l’objet de cette sollicitude minutieuse et inventive que suggère aux religieuses et aux infirmières le soin habituel des enfans. Aussi l’opinion que je viens de rapporter a-t-elle été repoussée par la presque unanimité du corps médical, et il est difficile de la considérer autrement que comme un paradoxe d’esprits ingénieux.

Bien que les Enfans-Malades et Sainte-Eugénie soient les deux hôpitaux d’enfans par excellence, ce ne sont cependant point les deux seuls asiles qui s’ouvrent à Paris même aux affections de l’enfance. Il existe dans les vastes dépendances de l’hôpital Saint-Louis deux salles de seize lits ouvertes aux garçons et aux filles qui sont atteints d’une triste maladie qui fait beaucoup de ravages dans la