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population des enfans de Paris ; la teigne. L’hôpital Saint-Louis est un curieux spécimen de l’ancienne assistance hospitalière. Il a été construit vers la fin du règne d’Henri IV par maître Claude Vellefaux, maître juré ès œuvres de maçonnerie du roi. Cet hôpital était destiné à recevoir des pestiférés. On montre encore le couloir par lequel on communiquait avec eux de l’extérieur et le tour par lequel on leur passait les alimens. Les vastes bâtimens de cet hôpital, construits en brique et pierre, ses préaux spacieux et plantés de beaux arbres, sont encore tels aujourd’hui qu’ils étaient il y a près de quatre cents ans. À voir passer et repasser dans les cours silencieuses la robe blanche et le manteau noir des augustines qui le desservent, on pourrait se croire encore dans quelqu’un de ces couvens situés au milieu de Paris, où les héroïnes de la Fronde venaient autrefois pleurer leurs péchés et mettre un intervalle entre la vie et la mort. Bien que l’hôpital soit placé sous la pieuse invocation de saint Louis, on n’a point cru devoir en bannir tous les souvenirs du bon Henri, et par un choix singulier le nom de pavillon Gabrielle a été donné à un bâtiment séparé, où des infortunés atteints de maladies repoussantes viennent acheter, au prix d’une modique rétribution, la solitude et le traitement des plus illustres médecins.

L’aspect de l’hôpital est assez mélancolique, et en particulier celui des salles affectées aux enfans teigneux. Bien qu’au point de vue du traitement on ait à se féliciter des résultats obtenus, les enfans y sont placés dans des conditions générales peu satisfaisantes. Garçons et filles ont une salle distincte, et dans chacune de ces salles insuffisamment aérées ces enfans, dont aucun n’est alité, dorment, mangent, jouent, je voudrais pouvoir dire travaillent ; mais l’insuffisance du personnel ne permet pas d’organiser pour eux une école comme aux Enfans-Malades et à Sainte-Eugénie. Chacune des sœurs, ou, pour employer le terme exact lorsqu’il s’agit des augustines, des mères, qui a la surveillance d’une de ces salles d’enfans, a aussi celle d’une vaste salle d’adultes. Pour trouver un peu d’aide, elles acceptent, du moins dans le service des filles, le concours de pensionnaires de l’hôpital qui, atteintes de maladies presque incurables, y sont en quelque sorte indéfiniment conservées, et qui se consacrent avec dévoûùent aux soins des enfans. Lorsque j’ai visité l’hôpital Saint-Louis, une des femmes ainsi employées au service des enfans était affligée d’une de ces affections cancéreuses de la face auxquelles on donne, je crois, le nom de lupus. C’est une pensée humaine sans doute que de procurer à une malheureuse créature aussi cruellement éprouvée les consolations de la charité ; mais peut-être n’est-il pas sans inconvéniens de mettre ainsi constamment sous