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avec Goethe, et le mari assistait placide aux raccommodemens. F. Schlegel écrivit un livre odieux pour glorifier son adultère avec la femme d’un ami et d’un bienfaiteur ; tout porte à croire que le sage Körner eut un tendre penchant pour sa belle-sœur, Dorothée Stock, dont l’amant enleva l’épouse adorée d’un vertueux personnage qui bénit, comme c’était l’usage des maris dans ce temps-là, l’union du couple fugitif ; Sophie Vogel se tuait avec son ami, Von Eleist ; Charlotte Stieglitz n’hésitait pas, à se plonger un poignard dans le cœur pour réveiller son mari, affligé d’hypocondrie incurable, et la Correspondance de Goethe avec une enfant nous montre jusqu’à quel délire alla le culte de Bettina d’Arnim pour un Dieu de chair et d’os. Si les Allemandes doivent, en cessant de faire des tartines, tomber fatalement dans l’ornière des affinités électives, mieux vaut assurément, n’en déplaise à l’auteur de German home life, qu’elles s’en tiennent, comme elles le font aujourd’hui, au simple rôle de ménagères, dont elles s’acquittent d’ailleurs à merveille, et dont elles prennent leur parti sans regret. L’Allemande contemporaine méprise la frivolité de la Française ; une Anglaise qui monte à cheval la scandalise ; peu lui importe ce qui se passe hors de son foyer, il n’y a pour elle qu’un pays au monde : l’Allemagne ; le reste lui fait pitié. Jamais elle n’osera se proposer de devenir la compagne, l’égale de l’homme ; on lui a enseigné que pour plaire il fallait être faible, soumise, craintive. Elle ne se permettra ni d’être dévote, ni d’avoir son franc-parler ; on l’appellerait piétiste ou libre penseuse. Cette créature passive, qui n’est rien que « sensible, » arrive à l’âge où il faut se marier sans perdre trop de temps, car sa beauté, souvent ravissante, n’est jamais solide ; son teint de rose se fane de bonne heure, elle perd ses dents plus vite qu’aucune femme du monde. Nous parlons ici de l’Allemande du Nord ; les Autrichiennes, les Hongroises, conserveraient plus longtemps leurs charmes si l’embonpoint ne venait empâter la taille svelte et les attaches élégantes qui les recommandent à l’admiration. Enfin le mari se trouvera-t-il ? Dans la société quelque peu élevée, on n’admet guère d’autres partis que les bureaucrates ou les officiers. Les gens de robe ne sont pas en faveur depuis que les avocats se sont attiré par leur ton acerbe et tranchant, leurs ambitions politiques démesurées, la désapprobation d’en haut. Les ecclésiastiques sont loin d’avoir la même importance qu’en Angleterre, le clergé ne se recrutant plus que dans les classes inférieures : à la campagne, les maîtres du château invitent encore leur pasteur à venir faire un quatrième au whist et à dîner au bout de la table ; mais en ville on ne le voit pas du tout, et nulle part on ne l’épouse, pour peu qu’on ait la prétention d’être bien née. Les banquiers sont presque exclusivement des fils d’Israël, et qui dit commerçant ou