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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/736

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en donnant 2 pour 100 à leurs créanciers ; mais quoi ! ne fallait-il pas vivre en grands seigneurs, en princes merchants, et avant tout tuer l’éternel ennemi daces régions énervantes : l’ennui ?

Aussi Hong-kong offre-t-il aux yeux le spectacle de la vie élégante dans tout ce qu’elle a de plus brillant, sinon de plus délicat. Grands hôtels splendidement meublés, où l’on tient table ouverte, service, livrées, écuries, bals et fêtes, jeux, paris, régates, courses ; tout donne l’idée de la richesse, et par-dessus tout l’habitude de semer l’argent sans compter en fantaisies d’un moment. Pour les courses, il a fallu choisir, à quelques milles de la cité, un emplacement, faire une route carrossable, le tout aux frais de la municipalité enrichie par des taxes volontaires ; mais on ne s’est pas contenté d’y faire courir des poneys chinois, certains amateurs déterminés ont fait venir d’Angleterre des pur-sang dont le prix, rendus en Chine, est resté légendaire. Quant au luxe des dames anglaises, on m’assure (je me fie peu à mon propre jugement en pareille matière) qu’il dépasse toute vraisemblance. Cette existence à grandes guides n’est menée du reste que par une petite élite de négocians qui constituent l’aristocratie de l’endroit, c’est-à-dire sont plus riches que les autres et excluent avec un soin jaloux tout ce qu’ils ne jaugent pas à leur niveau. On me parle de plusieurs catégories ainsi établies, lesquelles ne fraient guère entre elles, s’observent, se jalousent : je m’en montre surpris ; on ajoute qu’il y a beaucoup d’argent et beaucoup de femmes inoccupées, de là les discordes. De ces catégories, la dernière, parmi les gens établis, est celle des store-keepers ou commerçans ayant boutique et vendant au détail ; jamais le négociant qui vend la soie et le riz par piculs ou par balles n’admet dans son salon ou à son club celui qui vend ces mêmes produits en sacs ou en écheveaux. Ici d’ailleurs, comme dans toute la Chine, comme au Japon, les beaux jours du commerce sont finis. Il est passé, le temps des fortunes rapides, étourdissantes, que l’on rencontre parfois dans les pays nouveaux. La concurrence excessive, l’habileté chinoise, ont ramené les bénéfices à un taux modéré ; la baisse de la piastre a fait le reste, et tel qui menait jadis grand train a du se réduire à un modeste emploi pour vivre.

Ce que l’Angleterre a voulu s’assurer à Hong-kong, c’est moins encore une importante place de commerce qu’une station navale dans les mers de Chine, où ses flottes et sa marine marchande pussent se ravitailler et se mettre à l’abri. Aussi est-on décidé à faire tous les sacrifices pour le maintien de ce nid d’aigles. Malgré le poids des impôts, le revenu, qui s’est élevé, en 1874 à 178,107 livres sterl., s’est trouvé inférieur de 14,000 livres aux dépenses, et le trésor anglais a du combler le déficit. Sur ce budget, 20,000 livres sont consacrées aux services militaires, 89,000 aux traitemens des divers