compte de ce déploiement de forces, on répond par une histoire lamentable dont ce même navire qui me porte a été le théâtre il y a trois ans. Le Spark faisait alors le service de Hong-kong à Macao et partait avec sa cargaison ordinaire de passagers chinois ; on n’avait pas remarqué un certain nombre de drôles à mine suspecte qui s’y étaient installés avec les autres passagers : c’étaient des pirates. À peine le steamer est-il entré en pleine mer, qu’ils fondent sur le pilote et le mécanicien, égorgent le capitaine, le second, tous les Européens du bord, et se contentent de menacer les autres d’une mort immédiate en cas de résistance ; puis ayant changé la route, ils mettent le navire au pillage, déchargent toutes les marchandises dans leurs jonques qui sont venues les rejoindre et laissent le steamer échoué sur un banc de sable. On juge de la fureur causée par cet audacieux attentat, dont on n’a jamais pu châtier tous les auteurs. Depuis on prend quelques précautions défensives, sans rien faire pour prévenir le danger par quelque surveillance à l’embarquement. Que quelques années se passent encore, et l’on oubliera même de charger les armes, grâce à cette insouciance du danger qui est souvent faite d’incrédulité plutôt que de courage.
Macao est le plus ancien établissement européen en Chine ; les Portugais le fondèrent en 1556, à la suite de croisières contre les pirates qui infestaient les côtes : l’empereur Chi-tsang, alors régnant, voulut leur payer le service rendu en leur permettant, moyennant quelques redevances, de résider dans la presqu’île où ils sont encore ; un mandarin y exerça jusqu’en 1849 les fonctions de gouverneur ; mais à la suite de massacres qu’il ne sut pas empêcher, les Portugais s’en débarrassèrent et gouvernent seuls aujourd’hui une colonie d’environ 35,000 habitans, dont 5,000 de sang portugais. Avant même d’arriver à Macao, vous entendrez répéter à satiété que cette cité puissante, dont l’influence rayonnait par toute la Chine et jusqu’au Japon, n’est plus qu’une ombre d’elle-même, que les jours de sa gloire sont passés. Toutes les calamités se sont accumulées sur l’établissement portugais : d’abord le traité de 1842, en donnant aux Anglais Hong-kong, dont ils se hâtèrent de faire un port franc, détourna la plus grande partie du trafic, qui ne trouvait à Macao qu’une mauvaise rade et une douane exigeante. Vainement en 1846 la reine de Portugal abolit les droits de douane, le coup était porté, le rôle d’entrepôt était pris par d’autres ; puis plusieurs campagnes de la presse et de la diplomatie anglaises entraînèrent la suppression du trafic des coulies qui faisait la fortune de la ville, enfin en 1874 un épouvantable typhon, compliqué d’un incendie, détruisit la ville de fond en comble, et c’est à peine si elle commence à se relever. De plus il est question en ce moment d’un bureau douanier que le gouvernement chinois veut établir sur l’île de Patera, située juste