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en face de Macao, territoire contesté entre les deux nations, et dont le commerce chinois se servait jusqu’à présent pour exporter ses produits, voie Macao, sans se soumettre au contrôle des douanes indigènes. Ce serait le coup de grâce porté à la vieille métropole du commerce asiatique.

Après avoir longé, sur la rive gauche du Tschu-kiang, l’île de Ki-o, puis la grande île chinoise qui porte le nom de Macao, on découvre, au bout d’une langue de terre de quelque cent pas de large, les collines pittoresques sur lesquelles s’élève la ville, jetée au milieu de la mer comme un phare au bout d’une longue digue. Il faut contourner la presqu’île tout entière pour arriver jusqu’au quai de débarquement, de sorte qu’on passe une première fois à l’est de la cité pour virer, toute barre dedans, et s’arrêter à l’ouest. A peine a-t-on mis le pied sur la terre ferme qu’il semble qu’on vient de parcourir 4,000 lieues et qu’on est passé subitement de Chine en Europe. La partie haute offre l’aspect d’une petite ville de province dans le midi de la France, avec ses rues désertes et mal alignées, ses maisons serrées, ses églises, ses couvens. On tombe en effet ici en plein catholicisme, et l’on rencontre, outre la cathédrale, quatre églises paroissiales et de nombreuses chapelles. Aucune d’ailleurs n’offre d’intérêt comme monument. La Praya s’étend le long de la mer, faisant face à l’orient ; c’est là que s’élèvent les plus belles maisons de la ville ; beaucoup ont été ruinées par l’ouragan de 1874, mais se relèvent de leurs décombres. Le gouvernement portugais fait d’immenses sacrifices pour restaurer sa colonie et lui rendre la vie et la prospérité. Les dépenses normales, qui sont de 194,523 piastres, ont atteint, dans ces années de sinistre mémoire, des chiffres qu’on ne dit pas volontiers, mais qui attestent l’énergie avec laquelle le Portugal défend ses intérêts coloniaux.

A tout seigneur, tout honneur ; mon guide, qui est officier d’artillerie, me fait passer en revue tout d’abord les défenses militaires, qui font de Macao une citadelle presque imprenable : les différens forts qui la dominent commandent tous les abords à grande distance et peuvent, avec un bon armement, défier les meilleures flottes ; les casernes sont vastes, bien installées, l’hôpital militaire est tout nouvellement construit sur de vastes proportions, d’après les meilleurs plans indiqués par l’expérience. La garnison, peu nombreuse en ce moment, composée de soldats portugais, manœuvre avec ensemble, mais ce n’est pas sous le soleil du tropique qu’il faut chercher les apparences de la vigueur physique. Présenté dès le soir même au cercle militaire, je me vois entouré d’officiers instruits, aimables, parlant admirablement français ; on se sent un peu compatriotes à de pareilles distances entre races de civilisation latine, toutes deux éliminées par l’élément anglo-saxon. La sympathie ne