Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/936

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

du tronc des arbres sous le nom de lianes, afin de les dépasser et d’épanouir au grand jour leurs feuilles et leurs fleurs. Les Bignonia, les Cobœa, les Ampelopsis sont tous des genres américains. Dans ces mêmes forêts, une foule d’animaux sont grimpeurs et vivent sur les arbres ; la même cause a produit ces deux effets.

En suivant les modifications de la faculté de grimper dans le règne végétal, on reconnaît que les tiges qui s’élèvent à l’aide de leurs feuilles ou de leurs vrilles descendent de végétaux qui étaient volubiles, car beaucoup de leurs congénères le sont encore ; les botanistes se rappelleront les antirrhinées, les morelles, les Cocculus, les Celastrus, les Periploca, etc. On peut voir aussi comment la faculté de grimper se perd dans certains genres. Ainsi les gesses ou Lathyrus, dont le pois de senteur fait partie, ont toutes des feuilles pennées, dans lesquelles les folioles sont disposées sur les deux côtés d’un pétiole commun, comme les barbes d’une plume. À la base de cette feuille composée, deux autres petites feuilles simples, appelées stipules, sont insérées sur la tige. Dans certaines espèces, il y a sur la feuille jusqu’à six paires de folioles, et les dernières seulement, réduites à leur nervure médiane, sont converties en vrilles ; mais, dans la plupart des espèces, il n’y a que trois, deux ou même une seule paire de folioles, toutes les autres sont remplacées par des vrilles. Ces vrilles, quelquefois actives, ne le sont pas toujours : au lieu de s’enrouler autour des branches qui sont à leur portée, elles se recoquillent sur elles-mêmes, ce qui indique déjà un affaiblissement dans la faculté de grimper ; mais il y a mieux. On trouve communément dans les champs une petite espèce de gesse (Lathyrus aphaca) chez laquelle toutes les feuilles avortent, et les vrilles se réduisent à un filament unique et sans usage ; par contre, les stipules sont énormément développées et remplissent les fonctions physiologiques des feuilles ; la plante n’est plus grimpante. Dans une autre espèce provençale et algérienne, le Lathyrus ochrus, toutes les folioles et les stipules manquent également ; les vrilles se réduisent à quelques filamens inutiles situés à l’extrémité du pétiole ; mais, en vertu de la loi du balancement des organes, ce pétiole s’est élargi et devient ce que les botanistes appellent un phyllode, qui remplit les fonctions d’une feuille. Dans une troisième espèce, le Lathyrus Nissolia, vrilles, folioles, stipules, tout manque, et les phyllodes, semblables aux feuilles des graminées et des Acacia de la Nouvelle-Hollande, représentent seuls tous ces organes disparus. L’espèce ne possède plus aucun des attributs d’une plante grimpante, elle est incapable de s’accrocher aux tiges ou aux branches voisines, tandis que beaucoup de ses congénères et d’autres appartenant à des genres voisins : pois, haricot, vesce, sont des plantes grimpantes pourvues des appareils variés que cette fonction nécessite.

Enfin il est un autre genre de preuves qui n’a pas encore attiré l’attention des observateurs, mais dont la valeur n’est pas moindre, c’est