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de vivre sans troubles, de prouver qu’elle n’est pas l’instabilité perpétuelle, et celui de montrer qu’elle sait se faire honneur de tous les hommes sérieux et éprouvés qui veulent la servir par conviction ou par dévoûment au pays. Est-ce que les républicains ont dans leur camp tant de notoriétés et de capacités ? Ils auraient du comprendre que l’autorité et l’éloquence de M. Dufaure étaient une force pour le nouveau régime ; ils ne l’ont pas compris, et sans combattre ouvertement, il est virai, le garde des sceaux, ils se sont amusés à lui rendre le pouvoir difficile. Dès que la crise, moralement ouverte par la discussion du Budget des cultes et aggravée par la fausse démarche de M. de Marcère, a éclaté définitivement, l’unique question a été de savoir quelles proportions elle prendrait, dans quelles conditions elle se dénouerait, et c’est ici que commence la grande mêlée, que toutes les responsabilités sont en jeu.

On ne peut pas dire assurément que M. le président de la république ait donné le signal de ce trouble, qui a rempli Versailles et qui a fini par retentir dans le pays. Il n’a point créé de difficultés à son ministère, il l’a soutenu jusqu’au bout, même quand il chancelait déjà, et peut-être aurait-il désiré le voir rester aux affaires, ne fût-ce que provisoirement, jusqu’après le nouvel an, jusqu’à la session ordinaire, qui doit s’ouvrir au mois de janvier, Lorsque l’impossibilité de ce provisoire lui a été démontrée, il s’est conduit en vrai chef constitutionnel. Sa première pensée a été de consulter les présidens du sénat et de la chambre des députés, M. le duc d’Audiffret-Pasquier et M. Jules Grévy. Il a consulté sans doute d’autres hommes politiques encore. Sa préoccupation dominante a été évidemment de pousser aussi loin que possible l’esprit de conciliation, sans dépasser les limites de la république conservatrice et libérale dont il est le chef. Si l’éventualité d’une dissolution de la chambre s’est offerte à lui, c’est tout au plus lorsqu’il a cru comprendre qu’on pouvait songer à lui imposer des conditions qu’il n’avait pas le droit de subir dans l’intérêt de la sécurité de la France.

Au fond, il n’y a eu guère que trois combinaisons qui aient été sérieusement agitées ou essayées. La première est celle qui aurait fait de M. le duc d’Audiffret-Pasquier un président du conseil, le chef d’un nouveau cabinet ; mais celle-là a été proposée, elle n’a jamais été admise par le principal personnage. Le président du sénat a refusé absolument, à plusieurs reprises, de se charger de la formation et de la direction d’un ministère. La seconde combinaison est celle qui, en maintenant au pouvoir M. Dufaure et la plupart de ses collègues de l’ancien cabinet, faisait entrer M. Jules Simon au ministère de l’intérieur à la place de M. de Marcère. M. le maréchal de Mac-Mahon voulait ainsi montrer tout à la fois le prix qu’il attachait aux services de M. Dufaure et son désir de donner la garantie la plus décisive aux fractions modelées de la gauche. S’il y a eu des difficultés ou des impossibilités, elles