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il fit traîner les négociations en longueur; la grande difficulté était l’assemblée des églises, soutenue par Rohan et Sully. Elle exigeait qu’on la laissât réunie pendant six mois encore après la vérification des édits promis aux protestans. Bouillon ne voulut point soutenir cette prétention : il s’entendit sur tous les articles avec la cour, et, en échange des avantages qu’il avait obtenus, il promit, avec tous les seigneurs, de faire séparer l’assemblée même de force, Rohan et Sully seuls refusèrent de signer cette promesse. Les églises n’eurent pas à se plaindre d’ailleurs de la paix de Loudun, qui leur donna beaucoup d’argent et prolongea encore de six années l’occupation des villes de sûreté.

Il faut le dire pourtant, la paix de Loudun fut surtout le triomphe des princes : Condé devint le maître du gouvernement. Villeroy, Jeannin, Sillery, tombèrent en disgrâce. Richelieu, encore obscur, était entré dans le conseil; ce fut lui, dit-on, qui décida la reine et Concini à un acte de vigueur : Condé fut mis à la Bastille. Bouillon, et les autres seigneurs, avertis à temps, se sauvèrent de Paris. Il n’est pas douteux que, dès cette époque, les seigneurs étaient décidés à user de violence pour se défaire de Concini; Bouillon, au dire de Rohan, en avait ouvert l’avis; les voies de la justice étaient fermées; Mayenne avait été jusqu’à proposer de chercher querelle au favori et de lui passer son épée au travers du corps. Concini toutefois triomphait : les affaires des princes semblaient perdues; Guise, à qui, en l’absence de Condé, Bouillon avait offert le commandement, avait trahi la cause des seigneurs et s’était accommodé avec la cour. Bouillon avait proposé d’abord d’aller brûler les moulins de Paris, d’y provoquer une sédition; le peuple avait pillé l’hôtel d’Ancre, et détestait le favori italien. La trahison de Guise ôta une tête aux rebelles. Bouillon se retira à Sedan et fit quelques levées en Allemagne et aux Pays-Bas.

Le jeune roi, secrètement inspiré par Luynes, commençait à hésiter entre sa mère et les seigneurs. Bouillon avait décidé les calvinistes à se ranger du côté des mécontens. Il écrivit au roi et à la reine mère pour se plaindre qu’on augmentât les garnisons des places de sa majesté voisines de Sedan : il prétendait servir le roi en travaillant à fortifier et à conserver cette place; il le servait encore en travaillant à l’éloignement du maréchal d’Ancre et de ses créatures. « J’ai le bonheur, sire, écrit-il au roi (6 janvier 1617), d’être ici votre sujet, et j’espère que votre majesté voudra bien me conserver dans la possession des terres que mes ancêtres m’ont laissées en France, et des marques d’honneur et de distinction dont une des plus anciennes maisons du royaume, de laquelle je descends, jouit depuis plusieurs siècles. Ma souveraineté de