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ne faut pas craindre de le dire, la Spezzia est la rivale de Toulon.

Le choix d’un port militaire est avant tout subordonné à des conditions naturelles que le travail de l’homme peut améliorer et compléter, mais auxquelles il ne saurait suppléer. Ces conditions naturelles ne sont pas les seules; il faut encore que l’emplacement satisfasse à certaines conditions d’un autre ordre, qu’il réponde aux combinaisons d’un plan de défense, aux exigences d’un système stratégique. Or la péninsule italienne, placée au milieu du bassin méditerranéen, a vue sur deux mers, et ses rivages s’étendent d’un côté sur la mer Tyrrhénienne et de l’autre sur l’Adriatique. Sur chacune de ces mers, il faut un port, et pour relier entre eux le port de l’Adriatique et celui de la mer Tyrrhénienne, séparés par toute la longueur de la péninsule, en même temps que, pour fournir un point d’appui au réseau défensif du littoral, il faut un troisième port à l’extrémité sud. Ce troisième port, il le faut encore pour couvrir le détroit de Messine et les côtes de la Sicile. Or la Spezzia d’un côté et Venise de l’autre, formant la base d’un triangle dont Tarente est le sommet, satisfont également bien à ces conditions. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter les yeux sur une carte. On comprendra à première vue le rôle et en quelque sorte les aptitudes de chacun d’eux aussi bien que la destination la mieux appropriée à ces aptitudes. Tandis que la Spezzia, assise au fond d’un golfe étroit et profond dont une jetée fermera l’accès, doit être le grand port de construction et d’armement; Tarente, à cause de sa position avancée vers le Levant et voisine de la grande route du commerce et des escadres, semble désignée pour servir de point de réunion et de stationnement de la force navale active. On en fera un centre de ravitaillement en y construisant des magasins, des ateliers de réparation et des bassins de radoub. Un crédit de 25 millions est affecté à ces travaux. Quant à Venise, position militaire et place forte de premier ordre, ce ne sera plus qu’un port secondaire. Tarente, à l’entrée de l’Adriatique et dont Brindisi, agrandi et fortifié, deviendra l’annexe, doit hériter dans un avenir prochain de son rôle sur cette mer. A mesure que Tarente se développera, Venise semble destinée à voir décroître son importance séculaire comme port militaire.

L’exécution du système défensif que l’on vient d’exposer dans ses traits principaux se poursuit rapidement, et l’Italie s’est vouée à cette œuvre avec l’ardeur toute juvénile d’une nation née d’hier à la vie politique, avec l’énergique volonté d’un peuple justement fier de son histoire et jaloux de la conquête récente de son indépendance et de son unité. Si à une autre époque, dont elle a le droit de s’enorgueillir, l’Italie a brillé d’un éclat incomparable dans