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vrai christianisme, ce qui ne les empêche pas de se vendre à 300,000 exemplaires; mais lors même qu’elles ont été retranchées du total, il reste encore un chiffre très considérable d’ouvrages sérieux, dans lequel l’histoire et ses annexes, l’archéologie, la numismatique, l’ethnographie, la linguistique, entrent environ pour 1,200 articles. Jamais ces diverses sciences n’ont fourni un pareil contingent. Dans cette masse de productions, où se rencontre, comme dans toutes les foules, plus d’une médiocrité, les bons livres tiennent une large place; les livres excellens ne font point défaut. La France est rentrée dans ses meilleures traditions; en fait de recherches, de critique historique, d’érudition pénétrante et variée, elle n’a rien à envier pour le moment aux autres nations de l’Europe et rien à craindre de la rivalité de l’Allemagne.

Toutes les forces vives du pays ont contribué à cette renaissance, on pourrait dire à cette résurrection. Si lourdes que soient nos charges budgétaires, les crédits affectés aux sciences et aux lettres ont été maintenus et n’ont point trouvé d’intransigeans. Le ministère de l’instruction publique a augmenté de plusieurs volumes la collection des Documens inédits ; l’Académie des Inscriptions, qui succède, en la dépassant, à l’école bénédictine, représente comme elle le travail collectif et impersonnel que la mort n’interrompt jamais; elle continue comme par le passé les recueils qu’elle seule peut mener à bonne fin, et, pour se dédommager du temps que la guerre lui a fait perdre, elle s’est hâtée un peu moins lentement que de coutume. Les sociétés savantes ont toutes survécu à nos désastres; il s’en est formé de nouvelles en assez grand nombre, tant à Paris que dans les départemens, ce qui prouve que l’association coopérative réussit mieux en matière d’études qu’en matière d’industrie ou de consommation. Vingt-huit missions scientifiques[1], relatives aux sciences naturelles ou médicales, à l’histoire, à l’archéologie, à l’astronomie, à la géodésie, ont été accordées par le gouvernement en 1875-76 : onze pour l’Europe, sept pour l’Afrique, quatre pour l’Asie, six pour l’Amérique. Elles sont pour la plupart en voie d’exécution, et, comme celles qui les ont précédées, elles enrichissent par des envois précieux les musées, les bibliothèques, les archives de Paris. Des expositions spéciales auxquelles personne ne songeait il y a trente ans, exposition de géographie, exposition de tapisseries anciennes et historiques, ont attiré le public, tout étonné de se trouver en face de tant de choses inconnues. Les incomparables collections du Louvre se sont accrues d’un musée de la Palestine; le musée d’artillerie a ouvert de nouvelles salles, où figurent les costumes de guerre depuis Charlemagne

  1. Voyez : Rapport adressé au ministre de l’instruction publique par M. le baron de Watteville, chef de la division des sciences et lettres, Paris 1876.