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a exercé sur les intérêts nationaux et sur les relations internationales une influence décisive, tantôt en multipliant les restrictions, tantôt en rendant les échanges plus libres; elle a obéi aux fluctuations des circonstances et aux mobiles impressions des partis. Il semble pourtant qu’après tant de variations elle est arrivée aujourd’hui à la période où les résultats de l’expérience permettent de lui assigner une direction certaine dans le sens des doctrines libérales. Le moment est donc bien choisi pour en retracer l’histoire.

C’est ce travail qu’a entrepris M. Amé, directeur général des douanes, avec l’autorité qui s’attache aux enseignemens d’une longue et brillante carrière administrative. En 1858, alors qu’il était directeur des douanes à Bordeaux, M. Amé publiait un premier écrit sur notre législation commerciale. On était au vif de la querelle entre le régime de la protection et le libre-échange; l’issue du débat ne se dessinait pas encore nettement, et le gouvernement, en présence de ce conflit d’intérêts et de doctrines, se tenait sur la réserve. Les opinions franchement libérales, exprimées en matière de tarifs par un directeur de douanes, produisirent une vive sensation; ce n’étaient point ces spéculations théoriques que les partisans de la protection industrielle reprochaient dédaigneusement aux professeurs, aux docteurs du libre-échange: c’étaient les vues élevées et pratiques d’un fonctionnaire bien placé pour observer les faits, ne s’inspirant que de l’intérêt public et naturellement disposé à tenir grand compte des résultats financiers d’une réforme. L’écrit de 1858 contribua certainement à précipiter les résolutions gouvernementales, qui aboutirent au mémorable traité de 1860, conclu entre la France et l’Angleterre. A partir de cette date, le régime des douanes a été profondément modifié, de nombreuses conventions internationales ont été signées. Ces conventions approchent de leur terme, et il s’agit aujourd’hui de décider s’il convient de les renouveler dans le même esprit ou de réviser ce qui a été fait en 1860. Telle est l’étude que M. Amé a entreprise, ou plutôt reprise et continuée en s’éclairant de l’expérience acquise depuis l’application des réformes. Indépendamment de l’intérêt qui s’attache aux variations de notre système de douanes, il n’y a pas de préparation plus sûre à l’examen des graves problèmes que les pouvoirs publics auront prochainement à résoudre.

En même temps, le côté historique de la question a été vivement éclairé par une récente publication sur l’établissement du premier tarif général de douanes. Ce travail, où se rencontrent toutes les qualités d’exposé fidèle et de fine critique qui distinguent les écrits de M. le comte de Butenval, contient de précieuses informations sur les idées et les opinions qui avaient cours au moment où la France