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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/132

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La population a plus que doublé, elle est de 2,800,000 habitans, En 1800, nous trouvons 359 journaux, un tirage annuel de 22,321,700 exemplaires, pour une population de 7,239,814. La nombre des journaux est presque décuplé, leur tirage est dans la proportion sur la période précédente de 20 à 1 pour une population triplée. On peut juger par ces chiffres de l’influence que les événemens exercèrent sur la presse américaine et de l’incroyable essor qu’ils lui permirent de prendre. Nous sommes loin du temps où Campbell pouvait à peine tirer à 300 exemplaires sa feuille hebdomadaire et faisait à ses rares lecteurs un appel aussi pathétique qu’inutile.

La presse traversa, non sans encombre et sans bon nombre de faillites, la période critique de 1783 à 1790. Les journaux paraissaient, publiaient quelques numéros, puis succombaient, quitte à renaître quelques semaines ou quelques mois plus tard sous un titre nouveau. Vers 1790, l’horizon s’éclaircit un peu ; sous, la main ferme et sage de Washington, la confiance renaissait, et quelques feuilles mieux rédigées, mieux renseignées que les autres groupaient autour d’elles des sympathies, des lecteurs et des appuis financiers. Un homme de talent et d’énergie, qui avait joué usa rôle dans la guerre de l’indépendance, le major Bursell, fonda à Boston la Centinel, feuille dévouée à l’administration de Washington et qui lui prêta en mainte occasion un concours aussi intelligent que désintéressé. Ce fut le premier journal aux États-Unis qui gagna de l’argent ; il en fit un noble emploi : Bursell publia gratuitement tous les actes du congrès, et lorsque le secrétaire des finances lui fit demander son compte, il l’envoya acquitté. Par l’organe de son président, le congrès répondit ; « Lorsque M. Bursell a généreusement offert de publier les lois et actes du congrès sans rémunération, nous étions pauvres et nous avons accepté sa proposition ; maintenant nous pouvons payer nos dettes, et ceci est une dette d’honneur. » Un mandat de 7,000 dollars accompagnait cette réponse.

A l’époque où Bursell publiait son journal, deux personnages qui devaient jouer un grand rôle dans notre histoire se trouvaient à Boston. L’un, Louis-Philippe, duc d’Orléans, appelé à régner un jour sur la France, donnait des leçons dans une école ; l’autre était Talleyrand, le futur ministre de l’empire. Tous deux alors (1795) avaient quitté la France pour se soustraire aux fureurs révolutionnaires. Ils fréquentaient assidûment les bureaux du journal la Centinel, surtout à l’arrivée des journaux d’Europe, rares alors, et apportés par des navires voiliers. Bursell leur communiquait avec obligeance les numéros du Moniteur. Pour le remercier, Louis-Philippe se dessaisit en sa faveur d’un atlas qu’il possédait, livre rare