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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/139

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verrons comment, en s’appliquant à donner une légitime satisfaction à tous les intérêts et à tous les besoins, elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui.


IV

James Gordon Bennett débuta dans le journalisme sous les auspices de la régence d’Albany. Il fut un des partisans déclarés de Jackson et de Martin van Buren, et fit ses premières armes dans le Courier, l’organe le plus accrédité du parti. Jeune, actif, énergique, il ne devait pas servir longtemps en sous-ordre ; ses velléités d’indépendance et surtout de réformes dans l’organisation de la presse amenèrent des tiraillemens auxquels il crut se soustraire en fondant un nouveau journal. En 1832, il publia le New-York Globe. Le prix d’abonnement était réduit de 10 dollars à 8.

Cette première tentative échoua. Une réduction de 2 dollars n’était pas suffisante pour rallier de nombreux abonnés ; d’autre part les chefs et les organes accrédités du parti voyaient avec inquiétude se fonder une feuille nouvelle qui, tout en se déclarant fidèle, entendait s’affranchir dans une certaine mesure d’un contrôle sévère. Bennett hésitait à rompre, à se déclarer franchement indépendant. Son journal, en tant que feuille de parti, était terne, comparé à ses rivaux ; sans satisfaire personne, il mécontentait tout le monde : Bennett comprit son erreur et suspendit sa publication. Il essaya alors de renouer avec ses anciens amis ; mais ses exigences rendirent toute négociation impossible, et la rupture fut complète.

Libre désormais de toute attache de parti, ne comptant plus que sur lui-même, Bennett partit pour New-York aussi léger d’argent que riche d’espoir. Il allait enfin tenter de réaliser son rêve. Créer une feuille indépendante en dehors et au-dessus des partis, une feuille qui ne fût ni fédéraliste, ni républicaine, ni démocratique, mais purement américaine et dévouée à l’intérêt national, quitter le terrain de la polémique pour celui des faits, renseigner exactement ses lecteurs en leur laissant la tâche de se former à eux-mêmes leur opinion, mettre cette feuille à la portée de tous par un prix d’abonnement très réduit, demander à l’annonce, encore peu pratiquée et dont il prévoyait le développement, les ressources nécessaires, tel était le plan du futur éditeur du New-York Herald, et c’est avec un capital de 500 dollars qu’il songeait à le réaliser.

Pour tenter aujourd’hui une entreprise pareille à New-York, il faudrait un capital minimum de 300,000 dollars (1,500,000 fr.). Le compte-rendu soumis récemment aux actionnaires d’un journal qui n’occupe dans la presse new-yorkaise qu’un rang inférieur constate