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quelque ressemblance avec celle de notre ministère. En Italie comme en France, ce n’est pas tout de gagner des victoires de scrutin, d’arriver au pouvoir ; il s’agit le lendemain de réaliser les programmes de réformes, de contenir les impatiens sans trop les décourager, de satisfaire les ambitions et de donner des places sans tout désorganiser, de maintenir une certaine cohésion dans cet amalgame de partis ou de fractions de partis dont se compose une majorité qui la veille était une opposition. Ce n’est pas plus facile de l’autre côté des Alpes que de ce côté ; le président du conseil italien, M. Depretis, en fait aujourd’hui l’expérience, et le ministre de l’intérieur lui-même, M. Nicotera, n’est point sans avoir ses embarras dans son propre camp.

Le chef du cabinet, Piémontais de caractère et de tempérament, garde son calme, il ne se hâte pas ; il développera dans quelques jours ses plans financiers impatiemment attendus sur les modifications d’impôts, sur les chemins de fer, sur le cours forcé. Pour le moment, il temporise, il convie les députés de la gauche à des conférences, il négocie avec eux, il les raisonne et il n’est pas sûr de les retenir jusqu’au bout dans la discipline. M. Nicotera, le Napolitain, le mazzinien d’autrefois, serré de plus près par ses anciens adversaires de la droite aussi bien que par ses anciens amis de la gauche, qui commencent à le trouver trop modéré, s’emporte par instans contre les accusations et les railleries qui le poursuivent. Au demeurant, c’est une situation indécise, tout au moins mal garantie, et la question est de savoir si un jour ou l’autre, sur un incident imprévu, sur un de ces projets financiers qui sont en perspective, cette majorité, en apparence si forte, ne se dissoudra pas. On n’en est point là, il est vrai ; le cabinet Depretis, avec un peu de résolution ou d’habileté, peut détourner le danger, et les anciens modérés libéraux si gravement éprouvés dans les élections dernières ne semblent pas avoir regagné encore assez de terrain pour être en position de profiter immédiatement des divisions ou des fautes de leurs adversaires. L’expérience du gouvernement de la gauche continue au-delà des Alpes ; mais ce n’est plus de cela qu’il s’agit : l’intérêt du moment en Italie est moins dans ces affaires de parlement et de majorité, quelque sérieuses qu’elles soient, que dans ce livré nouveau, d’un accent si vif, récemment publié par le général de La Marmora, sous ce titre : I segreti di stato nel governo constituzionale. Cette publication a déjà retenti en Europe : elle est d’autant plus curieuse, d’autant plus instructive qu’elle n’est qu’un incident d’une lutte assez grave, et que par son caractère, par les positions qu’il a occupées, le général de La Marmora donne une autorité particulière à tout ce qu’il fait.

A vrai dire, ce livre lui-même a son histoire, il n’est que la suite de cet autre ouvrage, Un po’ piu di luce, que le général de La Marmora publiait il y a quelques années, en 1873, et où, lui l’ancien président du conseil de 1866, il dévoilait hardiment le mystère des événemens de