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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/328

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d’état de l’Angleterre. Les seules personnes qui ne l’eussent pas repoussée dès le premier mot étaient le prince Albert et le baron de Stockmar. Encore cette demi-faveur était-elle soumise à bien des conditions. Les hommes d’état anglais se bornaient à dire : Il n’y a là pour l’Angleterre aucun avantage sérieux, et il peut s’y trouver au contraire une cause de difficultés à la fois très dangereuses et très inutiles. Pour des esprits politiques, c’était écarter l’affaire d’un seul coup. Le prince Albert, dans un sentiment de famille qui se comprend sans peine, ne rejetait pas si absolument la candidature de son cousin ; Stockmar, dévoué à ses maîtres et à son pays natal, se gardait bien aussi de condamner si vite le jeune cadet de Saxe-Cobourg-Gotha. Tous les deux disaient : « Ce n’est pas un de ces buts qu’il faut poursuivre à tout prix, mais il ne serait pas sage non plus d’y renoncer sans examen. Si les circonstances deviennent propices, si l’on peut réussir par des moyens honorables et raisonnables, c’est-à-dire par des moyens qui ne compromettent pas de plus graves intérêts, la chose vaut bien qu’on s’en occupe. » Quant au roi des Belges, obligé comme gendre de Louis-Philippe à une extrême réserve, même dans une question qui intéressait la maison de Saxe-Cobourg, il montra, selon Stockmar, encore plus de tiédeur et de philosophie.

Il est naturel pourtant que le gouvernement français ait été moins frappé de cette tiédeur que le baron de Stockmar ; les points de vue étaient si différens ! Un jour, pendant un voyage du roi des Belges à Londres, l’ambassadeur de France, M. le comte de Sainte-Aulaire, ayant essayé de deviner le fond de sa pensée sur la question, le trouva très fin, très boutonné, par conséquent beaucoup moins indifférent qu’on ne l’aurait voulu. « Durant deux heures d’escrime, écrit M. de Sainte-Aulaire à M. Guizot, il a très dextrement paré mes bottes, sans jamais se découvrir. » M. de Sainte-Aulaire conclut en ces termes : « Mon impression est que le roi Léopold ne veut pas mécontenter notre roi, qu’il s’emploiera toujours en bon esprit entre nous et l’Angleterre, mais qu’après tout il est beaucoup plus Cobourg que Bourbon, et qu’il ferait pour son neveu tout ce qu’il jugerait possible. »

Au reste, la situation est nettement définie dans une page de Stockmar qui contient des révélations importantes. Voici ce que le conseiller du ménage royal de Windsor écrivait le 14 mai 1842 :

« En ce qui concerne le mariage espagnol, l’influence de mes désirs et de mes sentimens ne trouble en rien la préparation du jugement qui ne doit être prononcé que par la raison.

« Il faut à la reine un mari, c’est la condition première, contre lequel ni l’Espagne, ni l’Europe n’aient de sérieuses objections à élever,