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Si Bulwer a travaillé au succès du prince de Cobourg malgré les instructions contraires de lord Aberdeen, on devine ce qu’il fera sous la direction de lord Palmerston. Il sollicite des ordres conformes à son plan et ne tarde pas à convaincre le nouveau chef du foreign office. « Mon cher Bulwer, lui écrit Palmerston, je me range à l’avis que vous avez eu raison tout le temps, et que c’est nous qui avons eu tort dans cette affaire du mariage espagnol. Nous aurions dû tout de suite et bravement adopter Cobourg et le faire triompher en bravant la France ; mais nous n’étions pas disposés à rompre avec la France, et nous ne croyions pas que le mariage fût un intérêt anglais assez fort pour justifier cette rupture. » voilà une autorisation d’agir assez explicite ; on avait des motifs pour être modéré au début, on reconnaît maintenant que Bulwer avait raison ; n’est-ce pas dire qu’on lui donne carte blanche ? Ce n’est pas tout ; regardons-y de plus près, nous verrons toute la pensée de lord Palmerston. La lettre qu’on vient de lire est du mois d’août 1846 ; or quelle était cette modération dont il parle ? Dans une dépêche du 19 juillet, par conséquent trois ou quatre semaines avant d’exprimer ce regret, il écrivait à sir Henry Bulwer que les candidats à la main de la reine d’Espagne étaient réduits à trois, savoir : le prince Léopold de Saxe-Cobourg et les deux fils de don François de Paule. Quoi ! le prince Léopold, après tout ce qu’avait promis lord Aberdeen ! le prince Léopold nommé ici le premier, après que lord Aberdeen avait si vertement blâmé Bulwer d’avoir travaillé pour lui ! C’est donc une politique nouvelle ? Lord Palmerston ne se considère pas comme lié par les paroles de son prédécesseur, lord Palmerston se dégage. Fort bien, c’est son droit, mais alors il dégage aussi la parole de la France. Pourra-t-on invoquer désormais les conversations du château d’Eu ? tout cela est détruit, chacun a repris sa liberté.

Cette même dépêche du 19 juillet, adressée par lord Palmerston à Bulwer, s’exprimait dans les termes les plus vifs sur le compte des modérés espagnols. Le ministre whig tendait la main aux