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progressistes, c’est-à-dire à la révolution. Telle était la timidité qu’il se reprochait ; il était si décidé au contraire à payer d’audace, qu’il négligea les précautions les plus simples. Rien ne l’obligeait à montrer son jeu à ses adversaires ; il communiqua cette dépêche au comte de Jarnac, qui avertit immédiatement M. Guizot. Là-dessus, comme on pense, ordre donné au comte Bresson de faire connaître aux ministres espagnols le danger qui les menace. La nouvelle arrive à propos, les deux reines hésitaient encore, les ministres se perdaient dans les fils embrouillés de l’intrigue ; à la lecture de la fameuse dépêche, et sans qu’il y ait besoin de commentaires, plus d’hésitations, l’heure est venue d’en finir. « Engage donc Bresson à s’entendre avec moi pour faire les deux mariages Bourbon le plus tôt possible. Les Anglais et la révolution nous menacent. » Qui tient ce langage ? la reine-mère, et c’est un des ministres, M. Mon, qu’elle appelle ainsi à son secours. Reste une difficulté : il faut que la jeune reine consente à épouser son cousin, le duc de Cadix, le seul candidat possible entre les deux fils de don François de Paule. La reine mère s’en charge, elle dispose sa fille, elle la rend favorable à cette idée ; le comte Bresson, à qui l’on doit tous ces détails, ajoute avec joie : « Elle s’aidera de la jeune infante, fort occupée de M. le duc de Montpensier, et à qui elle a appris que son mariage ne pouvait se faire que si sa sœur épousait un Bourbon. »

Enfin, le 27 août, après un redoublement d’efforts en sens contraires, après, un nouvel assaut de sir Henry Bulwer et de nouvelles hésitations de la jeune reine, tout fut brusquement décidé. Lord Palmerston, dans son ardeur à s’attacher les progressistes, avait commis l’insigne maladresse de recommander presque impérieusement le duc de Séville, comme le seul prince espagnol qui méritât par ses qualités personnelles de devenir le mari de la reine. Ballottée ainsi du prince de Cobourg au duc de Séville par les caprices de lord Palmerston, la jeune reine comprit qu’elle serait le jouet du ministre whig ; elle consentit sans plus de retard à épouser le duc de Cadix. Elle manda ses ministres, leur signifia sa volonté, qui fut admise sans discussion, et les informa en même temps qu’elle donnait sa sœur au duc de Montpensier ; elle ajouta que ces deux mariages devraient se faire très promptement, et, autant que possible, le même jour.

Autant que possible, c’était une allusion aux difficultés de la France, par suite de ses engagemens avec l’Angleterre. La France était-elle tout à fait déliée de ses engagemens ? Elle avait de bonnes raisons pour l’affirmer, mais l’Angleterre voyant les choses d’un autre œil, il fallait procéder avec circonspection. Ce fut encore Palmerston qui précipita le dénoûment par ses provocantes allures. Les cortès, convoquées par ordre de la reine, s’étaient réunies le