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des rives, c’est l’aigrette, dont les plumes d’une blancheur de neige se détachent, comme de légères nuées, sur le fond vert des arbres ou l’azur des eaux. Dès qu’arrive le crépuscule, que ce soit au lever du soleil ou à son coucher, des troupeaux de chevreuils et de sangliers sortent des fourrés pour se désaltérer ; les derniers s’y disputent avec les buffles sauvages les endroits les plus marécageux des lacs, et leurs ébats remplissent de bruit ces belles solitudes. Dès que le soleil s’est élevé à l’horizon, le calme y revient comme par enchantement, et l’on n’y entend plus que le chant monotone des cigales noires, le bourdonnement des abeilles, et le cri sauvage des calaos aux gros becs.

Les pythons y sont communs, et l’un de ceux qui figurent au Jardin des Plantes de Paris a été pris dans le jardin du consulat à Manille ; je l’envoyai il y a déjà bon nombre d’années, à M. de Montigny, alors ministre plénipotentiaire en Chine, qui à son tour l’expédia en France. A l’exception de l’aspic et du serpent de riz, les autres reptiles des Philippines n’ont rien de venimeux. Le buffle sauvage est l’animal le plus dangereux de l’archipel ; c’est les oreilles et les yeux injectés de sang, brisant avec un bruit de tempête les obstacles qui s’opposent à sa course, qu’il s’élance vers l’Européen, dont l’odeur toute particulière, paraît-il, lui déplaît au point de le rendre furieux. Seuls, les Indiens ont le privilège de ne pas l’exaspérer, et jamais on n’a vu un buffle sauvage ou soumis faire du mal à un enfant. Les propriétaires des haciendas ou de plantations le savent et confient plutôt à des petites filles qu’à des hommes la conduite d’une centaine de ces animaux. Rien n’est plus commun d’ailleurs que de voir le long des fleuves des bambins indigènes, entièrement nus, prendre d’assaut l’échine d’un buffle et s’en servir comme d’un tremplin pour se jeter bruyamment à l’eau.

Sur les plateaux qui touchent aux plaines et s’étendent en gigantesques gradins jusqu’au sommet des montagnes, la nature est plus riche et plus grandiose que partout ailleurs. Comme preuve évidente de la diversité qui règne dans la formation géologique des îles Philippines, ces hauteurs sont composées de masses granitiques, d’entassemens de marbre, de calcaire, et, le plus souvent d’une couche épaisse de pouzzolane d’où s’élancent des colonnes de basalte et de trachyte d’un aspect, bizarre. C’est là que coulent, sans utilité pour personne, des sources d’eau minérale, et qu’on surprend à leur naissance les rivières et les fleuves qui, après avoir fécondé les terres, se jettent en nombre innombrable à la mer. L’or, le fer, le cuivre, le soufre, l’alun, et l’aimant, s’étalent sur la surface du sol ou dans les creux des ravins de ces régions intermédiaires. Il y a aussi des terrains carbonifères d’où la houille est extraite, avec assez d’abondance, principalement dans la province