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d’Albay, non loin du cratère fumant du Mayon. Là où les éruptions volcaniques ont abondamment recouvert les plateaux, la végétation se compose d’essences précieuses pour la construction des navires, l’ébénisterie et les arts. A côté de cèdres magnifiques et d’autres résineux, comme le copal et le gutta-percha, on trouve le tamarin, dont le tronc atteint une circonférence prodigieuse, le mûrier, le teck, le molave et le banava, ces trois derniers incorruptibles dans l’eau ; on y voit l’ébénier et le tandalo noirs, le camagon, bois teinté de brun et de blanc, l’alintatao, d’un jaune délicat, le cansilay, blanc et veiné de rose, enfin, le narra, bois qui ressemble à l’acajou et dont on peut avec un seul bloc fabriquer des tables autour desquelles vingt personnes tiennent à l’aise[1].

Bien peu des fruits d’Europe peuvent se reproduire ici ; les melons, les pastèques et les patates douces y sont exquis. Quelques Chinois jardiniers cultivent avec grand succès la laitue, l’asperge, les petits pois et les haricots. A Cavite, il y a quelques treilles, mais jamais elles n’ont pu donner beaucoup de raisins. Les fécules y sont très bonnes et d’une grande variété ; si le riz vient à manquer, les Indiens trouvent en elles une grande ressource. Le sagou et l’arrow-root sont expédiés en Angleterre en assez grande quantité. Quant aux plantes médicinales, elles sont nombreuses, mais connues plus particulièrement des gens du pays que des Européens ; les premiers, seuls, en font usage. Il y a dans la flore médicinale des Philippines une pharmacopée toute nouvelle à établir ; j’ai vu, loin de Manille, des indigènes, médecins des montagnes, — medicos mangna bondoc, — extraire les racines d’un arbuste, les taper, en faire des tisanes, puis appliquer comme topique les feuilles de la plante sur le malade, et obtenir des guérisons complètes. Le père Buzeta, dans son Dictionnaire des Philippines, assure que le quinquina croît sous ces latitudes ; c’est une erreur, je pense, ou, s’il y est, on n’en tire aucun parti, car les pharmaciens de Manille m’ont assuré qu’ils faisaient venir leur quinine d’Europe.

On sera sans doute étonné d’apprendre que les fleurs d’ornement

  1. Don Thomas Cortès, un colonel du génie qui a résidé longtemps à Manille, a fait un catalogue général des bois du pays, dont voici le résumé. La province de Cavite produit 23 espèces différentes de bois ; dans celle d’Ilocos-Nord, on en connaît 116 ; à Balacan, 60 ; dans la Laguna, 30 ; en Tayabas, 45 ; à Nueva-Ecija, 38 ; dans l’Ile de Mindanao, 39 ; à Misamis (peu connu), 6 ; dans l’île de Négros, 65 ; à Leyte, 45 ; à Capiz, 26 ; à Antique, 23 ; à Camarines, 45 ; à Ilocos-Sud, 35, et en Zambalès 26. Ces chiffres ne résument que les essences d’une grande élévation ; dans des espèces plus petites, il faut citer l’oranger, le citronnier, les arbres, qui produisent le sapote, le jaquier, le santal, le lomboy, la goyave, le lanzon, genre nouveau de la famille des méliacées, découvert par le botaniste espagnol Blanco ; le mangoustan et le bananier, dont on connaît 57 espèces différentes ; l’une d’elles, le tondal, porte, le nom du missionnaire français qui l’introduisît aux Philippines.